Homélie du pasteur Jean-Philippe Calame, le 29 octobre 2023

Homélie du pasteur Jean-Philippe Calame, le 29 octobre 2023

Ex. 22,21-27 / 1 Th. 1,5-10 / Mt. 22,34-40

Les pharisiens viennent à Jésus pour lui tendre un piège.
En quoi consiste ce piège ?
Il s’agit de faire dire à Jésus qu’un commandement est plus grand que les autres. C’est un piège, parce que lorsque les rabbins parlaient de la multitude de commandements et de prescriptions, c’était surtout pour souligner que tous avaient une égale importance, du plus petit jusqu’au plus grand. La tradition dit par exemple :  « de même que celui qui transgresse tous les commandements rejette le joug et rompt l’alliance et dévoile sa face contre la loi, pareillement celui qui transgresse un seul commandement rejette le joug, dévoile sa face contre la loi et rompt l’alliance » ; ou encore : «  que le commandement léger te soit aussi cher que le commandement grave ». La tradition affirme donc que si l’on néglige un commandement, on manque de respect à l’égard de l’ensemble de la loi.

Les pharisiens demandent donc à Jésus : « Maître, quel est le plus grand commandement » ?

Jésus ne tombe pas dans le piège. Certes, il parle d’un grand commandement, et même il le qualifie de premier. Mais ce n’est pas au sens d’une hiérarchie ! Sa réponse exclut que l’on fasse une hiérarchie entre les commandements. Bien plutôt, Jésus réunit tous les commandements, et garde l’importance de chacun, mais il met à neuf le regard que nous portons sur l’ensemble des commandements en déclarant que l’amour envers Dieu doit imprégner la pratique de chaque commandement. Ce que dit Jésus, c’est que tout doit être commandé par l’amour envers Dieu, un amour qui mobilise toute la personne, son cœur, ses pensées, toute son énergie et ses capacités. Chaque commandement place donc l’être humain devant Dieu. Car chaque commandement, du plus petit au plus grand, peut être une occasion d’aimer Dieu réellement.
Ainsi, dans la bouche de Jésus le premier commandement ne signifie pas le premier ou le plus haut par rapport aux autres mais c’est le commandement qui donne le ton pour tous les accomplir ! Il est le premier en importance par son contenu : l’amour envers Dieu. Et c’est l’amour envers Dieu qui donne signification à tous les commandements ; c’est par amour pour Dieu que l’on observe chaque commandement, du plus léger au plus grave.

Vous le voyez, les pharisiens pensaient pouvoir prendre Jésus en défaut de fidélité par rapport à la loi, en lui faisant dire que telle prescription plus importante et par conséquent que d’autres seraient de moindre importance, mais par sa réponse Jésus leur donne en fait une double exhortation :
« a) Souvenez-vous d’aimer Dieu, d’un amour entier, total, du fond de votre être et de tout votre cœur. Dieu vous a donné la vie, Dieu vous enseigne à protéger et favoriser cette vie par le respect des commandements ;
b) et chaque commandement, observez-le par amour pour Dieu – et non par contrainte, ni pour alimenter une quelconque prétention de votre part face à Dieu ».

 

Ensuite, à mes yeux, Jésus crée la surprise en plaçant l’amour envers le prochain au même degré d’importance que l’amour envers Dieu ! Il dit : « Un second commandement est tout aussi important : tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Bien sûr il y a une différence : l’amour pour Dieu prend d’autres formes que l’amour pour le prochain, car Dieu est le tout Autre et le prochain n’est pas Dieu. Mais aux yeux de Jésus, ces deux amours ont une égale gravité. Aimer le prochain est aussi urgent que d’aimer Dieu !
L’amour du prochain doit mobiliser notre personne tout entière, tout comme doit le faire le service de Dieu. Notre attention aux autres être humains est placée au même rang que la considération pour Dieu. Tel est le cœur de la volonté de Dieu. La volonté de Dieu culmine dans ces deux commandements ; l’amour envers Dieu et l’amour pour autrui, et c’est ce qui donne sens à toute autre ordonnance.

On voit bien qu’ici Jésus ne donne pas seulement un enseignements de morale. Il nous fait faire une vraie découverte, il nous fait une révélation : à savoir qu’il est dans la nature de Dieu, que c’est le propre de Dieu d’attribuer autant d’importance à l’être humain qu’à lui-même. Davantage : c’est le propre de Dieu, c’est dans sa nature de se donner à tel point que la vie de l’être humain passe avant la sienne, comme on le voit en Jésus.

 

 

Voilà qui fait surgir des questions. En voici une : mes sœurs, mes frères, à l’évidence, c’est par amour pour Dieu que nous participons au culte, à la liturgie. Mais voilà que Jésus place au même rang l’urgence d’aimer son prochain…
Dès lors : est-ce que je viens vivre le culte et participer à la Cène pour moi ou pour faire corps avec mes frères et sœurs ?
Est-ce que je vis le culte et participe à la communion avant tout pour nourrir et affermir ma relation avec Dieu ? ou est-ce que je vis le culte et participe à la communion pour que Dieu nourrisse et affermisse en moi un amour entier pour mes frères et sœurs  ?

Il y a certainement là du chemin à faire ! Il y a là certainement une marge de progression, comme on dit en certains milieux !

Oui, la Cène nous est donnée par le Seigneur en particulier comme viatique, pour qu’en chemin grandisse et s’approfondisse avec la même urgence notre amour envers le prochain et notre amour envers Dieu.
Mais seul Dieu, qui s’est abaissé jusqu’à nous nous enseigne à élever le prochain au même niveau que nous.

Ce n’est donc pas un hasard si notre Seigneur donne le commandement de nous mettre ensemble autour de sa table. Dans la Cène se reflète ainsi le projet, le dessein de Dieu : nous établir frères et sœurs, et de nous faire croître comme une seule et même famille.
À sa table, il nous ouvre la porte vers sa propre vie. Et l’amour qui circule entre le Père, le Fils, L’Esprit Saint veut nourrir l’amour réciproque entre les frères et sœurs d’un même sang, le sang de Jésus-Christ. Amen.

Homélie par le pasteur Serge Molla, le 8 octobre 2023

Homélie par le pasteur Serge Molla, le 8 octobre 2023

Mtt 21, 33-43 Es 5, 1-7   Ph 4, 4-9
Je ne sais comment vous avez enten-du cette parabole des vignerons meurtriers, difficile à recevoir. Elle retient pourtant l’attention parce qu’elle offre un concentré biblique en évoquant des vignerons refusant de donner au propriétaire le fruit de leur labeur. Ces hommes ne sont pourtant pas sourd aux demandes rappelées par les serviteurs, ni même au fils du maître. La violence dont ils font preuve envers les messagers l’atteste sans ambiguïté, tout comme le montre le meurtre du fils. C’est dire qu’en racontant une telle histoire, Jésus interroge quant à la manière dont chacun entend et reçoit ou non ses paroles qui bousculent la vie.
Quand bien même violence et meurtre paraissent culminer, je vois dans cette parabole un concentré biblique, manifestant l’incessant désir Dieu de Dieu à l’endroit de l’homme. Jamais Dieu ne se décourage pour venir et revenir vers lui. Pourquoi ? Pour l’unique raison qu’il veut pour lui la vie. C’est pourquoi Dieu n’a pas envoyé successivement les prophètes et son Fils lui-même pour blâmer, punir, juger et condamner, mais pour constamment réveiller à la vie.
Impossible donc de se dire que cette parabole ne nous concerne pas, même si tant hier qu’aujourd’hui, on n’apprécie guère, tant sur le plan religieux que social, politique qu’économique, ceux qui profèrent des paroles qui ne vont pas dans le sens du vent, qui prônent la vie plutôt que le profit, l’exploitation. 
Car dans notre monde, tout comme dans la Bible, les faux prophètes abondent et parlent fort. Ils agissent avec puissance à l’inverse des véritables porte-parole de Dieu qui paient le prix des messages qu’ils portent. Hier, le monde entier ou presque se gaussait d’une jeune suédoise qui sautait l’école un jour par semaine pour rendre attentif au changement climatique. Aujourd’hui Narges Mohamadi, une femme iranienne, récipiendaire du Prix Nobel de la paix 2023, est incarcérée pour sa lutte en faveur de ses sœurs dont les droits sont bafoués.
Songez à un Amos proclamant que sacrifices et prières déplaisent à Dieu, qu’il méprisait même les pèlerinages et que sa volonté, c’était que la justice coule comme un torrent (5,21). Amos ne fut guère apprécié qu’un Osée (4,1) quelques années plus tard attestant du procès du Seigneur avec le pays car il n’y avait ni sincérité ni amour du prochain. Ou même un Esaïe (5,7) dénonçant la rapacité des riches à la fin du passage que nous avons entendu et relatif à la vigne. Dieu en attendait le droit et c’était l’injustice. Il attendait la justice et c’était le cri des malheureux. Alors si la voix des prophètes ne portait pas assez, celle du Fils en personne, Jésus de Nazareth, serait entendue. Mais non ; il ne fut pas plus reçu. Car ses paroles dérangeaient aussi, au point qu’on a préféré et préfère transformer encore son message d’amour en de la guimauve, en en gommant toute son exigence et sa radicalité. C’est que ses paroles tranchaient dans le vif du confort. Jugez-en vous-mêmes : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent ou, dans un autre registre, Vous ne pouvez aimer Dieu et l’argent. Paroles dérangeantes hier tout comme aujourd’hui, non ? On souligne certes leur beauté, mais en insistant de suite sur leur caractère utopique. C’est dire que la résistance à l’essentiel est forte, c’est dire qu’est solide notre résistance à ce qui dérange au plus profond.
Or c’est tout cela que concentre la parabole qui n’en a pourtant pas fini de résonner. Et elle pourrait mener à la déprime si cette parabole ne faisait que souligner l’engrenage mortifère de la violence et du meurtre. Mais elle ne s’arrête pas là. Elle rappelle envers et contre tout le constant désir de Dieu vers l’homme. Quelles que soient la violence en ce monde, la souffrance de la création, la mort qui semble avoir toujours le dernier mot. Cette parabole ouvre un chemin où il n’y en avait pas. Elle sème une espérance contre toute espérance, ce que signale la pierre rejetée devenue l’angulaire, le mort devenu le-plus- que-vivant.
Jésus rejette l’engrenage qu’imaginent ses interlocuteurs, sûrs de la vengeance du maître. En citant un Psaume (118), il rappelle que la pierre rejetée est devenue essentielle à la construction. Et voici que cette parabole énonce ce que tous ceux qui ont entendu Jésus ou que tout lecteur des évangiles a lu maintes fois, à savoir qu’une inversion radicale s’opère. On a beau prétendument le savoir, le répéter, en Eglise et dans les liturgies notamment, le message ne cesse de troubler et d’être incroyable. NON, violence et meurtre n’auront pas le dernier mot. Du coup, voici que la parabole ne m’incite plus seulement à constater qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, et que la violence mène toujours le bal et ce seront toujours les plus petits, les plus faibles qui en feront les frais.  Qu’il s’agisse de femmes et d’enfants contraints à vivre sous la menace de bombes, de femmes traitées comme du bétail sexuel, que ce soit celles et ceux jetés sur les routes de l’exil vers le pays voisin, aux portes du désert ou en Méditerranée. 
Si je discerne dans cette parabole un concentré biblique, c’est non seulement en discernant le visage contemporain de la violence mortifère, mais j’y perçois le rappel essentiel que tout n’appartient pas à l’homme et que contrairement à ce qu’il croit si fort, ce dernier n’a pas la maîtrise de ce qui porte ou déporte la vie. D’ailleurs, il semble bien aujourd’hui, qu’en sus de la violence meurtrissant l’humain, qui n’a rien de nouveau, la création en souffrance place l’être humain face à ses responsabilités.
Du coup, si je choisis de dénoncer l’injustice ou de me montrer attentif à ma consommation, ce n’est pas pour jouer au redresseur de torts ou pour sauver la planète, mais avant tout pour manifester que tout homme est mon frère toute femme ma sœur, et que je ne suis pas le propriétaire de la création : elle nous a été confiée. D’aucuns diront que pour mieux respecter les êtres et la planète et le vivant ou accueillir le migrant, il faut plus d’argent. Mensonge : aujourd’hui l’argent ne manque pas au vu de l’augmentation générale et presque sans débat des budgets militaires, à l’inverse des budgets pour produire différemment.
Alors, si aujourd’hui vous entendez cette parabole comme un concentré biblique, vous voilà interrogé·e sur ce qui vous appartient ou non, me voici amené à douter de mes affirmations de maîtrise et de possession.  
Et s’il ne fallait qu’un signe pour accompagner notre méditation, regardez, il est là sur la table, avec ce pain et ce vin.  Signe dérisoire, aussi faible qu’essentiel, mais rappelant que c’est d’un Autre que nous recevons ce qui nourrit vraiment la vie. Et que Sa vie dépasse et franchit toute mort. Réjouissez-vous : NON, violence et meurtre n’auront pas le dernier mot. Amen

 

Homélie par le pasteur Pierre-Yves Brandt le 1er octobre 2023

Homélie par le pasteur Pierre-Yves Brandt le 1er octobre 2023

 Ez 18,25-28 / Ph 2,1-11 / Mt 21,28-32
Chères sœurs, chers frères,
Nous venons d’entendre une petite parabole racontée par Jésus. C’est l’histoire d’un homme qui a deux fils et à qui il demande successivement d’aller travailler à la vigne. Le premier lui dit sans attendre qu’il ne veut pas y aller. Mais ensuite, il est pris de remords et va à la vigne. Le second donne sa parole qu’il ira, mais n’y va pas. Jésus pose ensuite une question toute simple, à laquelle il n’est pas difficile de répondre : « Lequel des deux a fait la volonté de son père ? » Sans hésiter, vous répondez comme ceux à qui Jésus s’adresse : « Le premier ».
Pour comprendre pourquoi Jésus raconte cette histoire, il faut la situer dans son contexte. Jésus est en train de répondre aux autorités religieuses qui l’interrogent. Il est dans le Temple de Jérusalem, avec les grands prêtres et les anciens du peuple. Ceux-ci viennent de le mettre au défi de se légitimer alors qu’il est en train d’enseigner : « En vertu de quelle autorité fais-tu cela ? Et qui t’a donné cette autorité ? » lui ont-ils demandé (Mt 21,23). Et Jésus, au lieu de leur répondre directement, leur a dit : « Moi aussi, je vais vous poser une question, une seule ; si vous me répondez, je vous dirai à mon tour en vertu de quelle autorité je fais cela. Le baptême de Jean, d’où venait-il ? Du ciel ou des hommes ? » (Mt 21,24-25). Jésus leur parle de Jean le Baptiste, qui a été décapité par Hérode. Le texte dit qu’alors les grands prêtres et les anciens ne lui répondent pas immédiatement, mais se mettent à raisonner en eux-mêmes : « Si nous disons : ‘Du ciel’, il nous dira : ‘Pourquoi n’avez-vous pas cru en lui ?’ Et si nous disons ‘Des hommes’, nous devons redouter la foule, car tous tiennent Jean pour un prophète.’ » (Mt 21,25-26). Après ce raisonnement intérieur, ils répondent à Jésus : « Nous ne savons pas » (Mt 21-27). Et le texte raconte que Jésus leur dit alors : « Moi non plus, je ne vous dis pas en vertu de quelle autorité je fais cela. » (Mt 21,27).
C’est alors que Jésus raconte la parabole que nous venons d’entendre. Le mot « parabole » veut dire « comparaison ». Jésus compare ceux à qui il s’adresse au deuxième fils qui est envoyé dans la vigne. Ils sont des personnes qui disent qu’ils veulent faire la volonté de Dieu, qu’ils veulent suivre la voie de Dieu, mais au moment où il s’agit de le mettre en pratique, ils ne font pas la volonté de Dieu, ils ne suivent pas sa voie. C’est ce que Jésus leur dit à la suite de la parabole : « En effet, Jean est venu à vous dans le chemin de la justice et vous ne l’avez pas cru. » (Mt 21,32). Et Jésus va plus loin dans la comparaison : il oppose les autorités religieuses qu’il a en face de lui aux collecteurs d’impôts et aux prostituées. Ce sont eux qu’il compare au premier fils de la parabole. Contrairement aux grands prêtres et aux anciens du peuple, les collecteurs d’impôts et les prostituées ont cru (Mt 21,32) Jean le Baptiste. Et pour cette raison, Jésus annonce aux grands prêtres et aux anciens du peuple que les collecteurs d’impôts et les prostituées les précèdent dans le Royaume de Dieu.
Jésus s’adresse à ceux qui se croient justes, les gens bien religieux, qui se croient les bons croyants et qui n’ont aucun doute pour identifier les pécheurs, les mauvais croyants. Et Jésus vient renverser les convictions des autorités religieuses qui décrètent qui sont les bons croyants et qui sont les pécheurs. Ceux qui ont cru, ce sont les collecteurs et les prostituées. Ce sont eux les bons croyants aux yeux de Dieu. Quant aux grands prêtres et aux anciens du peuple qui jugent et condamnent, ils feraient bien de prendre conscience que ce sont eux les mauvais croyants.
Entendant cette parabole, nous pourrions à notre tour nous construire des certitudes permettant de catégoriser les bons et les mauvais croyants. Les choses paraissent simples : il faut comprendre qu’il ne suffit pas de dire oui à ce que Dieu propose pour entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui compte, c’est au final de le mettre en pratique. Même si on a commencé par faire les quatre cents coups et que tous nous jugent pour notre inconduite, il y a toujours la possibilité d’être pris de remords, d’ouvrir les yeux, de voir où est le chemin de la vie et de s’y engager avec joie. Ceux qui sont entré dans le Royaume de Dieu et qui travaillent à sa vigne ne sont peut-être pour une bonne part pas dans nos églises. Et beaucoup de ceux qui se croient justes, tout près de Dieu, ne font peut-être que leur propre volonté. Et l’on risque peut-être un peu vite de condamner tous ceux qui exercent une autorité religieuse, y compris dans nos églises, en leur reprochant de dire haut et fort leur foi mais de ne pas la mettre en pratique.
Le risque alors, serait de simplement inverser les rôles, d’idéaliser ceux qui sont hors du monde religieux, hors des églises, et de considérer tous ceux qui se disent chrétiens comme des aveugles qui vont à la perdition. Hors Jésus ne condamne pas les grands prêtres et les anciens du peuple. Il ne conclut pas la parabole en leur disant : vous n’avez pas fait la volonté de Dieu, vous n’avez pas cru en Jean le Baptiste, vous êtes bannis du Royaume de Dieu. Il leur dit au contraire : « Et vous, voyant cela, vous n’avez pas été pris de remords (vous n’avez davantage changé intérieurement) pour croire en lui » (Mt 21,32). Autrement dit, la possibilité de changer est offerte à tous. Et Jésus est venu aussi bien pour les grands prêtres et les anciens du peuple que pour les collecteurs d’impôts et les prostituées.
C’est ce que Jésus raconte dans la parabole qui suit selon l’évangéliste Matthieu (Mt 21,33-46), où justement il est question d’être envoyé dans la vigne. Il raconte comment Dieu a envoyé tout au long de l’histoire du peuple hébreu des prophètes pour l’interpeller et comment ceux-ci ont été rejetés, y compris Jean le Baptiste. Et dans la parabole, il raconte comment le maître de la vigne envoie finalement son propre fils. Jésus raconte cette parabole aux grands prêtres, avec la conscience qu’il est le fils et qu’ils sont ceux qui projettent de le condamner à mort.
Or, selon ce qu’en dit l’apôtre Paul dans sa Lettre aux Philippiens, Jésus est a priori plutôt du côté des grands prêtres que des collecteurs d’impôts ou des prostituées. Paul le décrit comme « de condition divine », donc tout près de Dieu son Père, venant à nous sans se considérer comme supérieur à qui que ce soit (Ph 2,3.7). Au fond, Jésus s’adresse aux grands prêtres pour les inviter à faire comme lui, à se mettre au service des autres dans l’obéissance au Père du ciel, par amour de tous. Mais pour cela, il faut que les grands prêtres et les anciens du peuple soient prêts à se perdre eux-mêmes pour le salut de tous. Jésus sait combien il est difficile de renoncer à ses avantages en ce monde pour vivre en fils et filles du Royaume de Dieu. Paul par la suite, l’a su aussi.
Pour cela, il faut, au moment où l’on comprend que l’on s’est trompé, avoir l’humilité, la simplicité de changer de point de vue et de reconnaître son erreur. C’est ce que fera Judas, après avoir trahi Jésus. Il est dit que, « pris de remords » – c’est le même terme que celui utilisé par Jésus dans la parabole des deux fils et son commentaire entendus ce matin (Mt 21,28-32) – Judas retourna auprès des grands prêtres pour leur rendre l’argent qu’il avait reçu pour leur avoir livré Jésus (Mt 27,3). Mais les grands prêtres, au lieu d’accueillir son changement intérieur, le condamnent : « C’est ton affaire ! » (Mt 27,4) lui répondent-ils. Et Judas va se pendre. Selon la parabole racontée par Jésus, peut-on l’identifier au premier fils qui est pris de remords et qui finalement fait la volonté de son père ? La condamnation des autorités religieuses qui n’accueillent pas son changement intérieur le pousse au suicide. Cela devrait nous alerter, nous gens bien religieux, sur la manière dont nous accueillons ceux qui sont pris de remords, même après les pires actes.

Homélie par le pasteur Timothée Reymond, le 10 septembre 2023

Homélie par le pasteur Timothée Reymond, le 10 septembre 2023

Mt 18, 15-20

Avec des éléments d’un commentaire de M. Domergue

Ce matin à l’écoute de l’évangile, nous voilà encore une fois bousculés et interpelés par ce que Jésus dit dans son enseignement. En effet, comment comprendre ces paroles ?
« Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel. »

Peut-être qu’avec d’autres mots on pourrait dire : Dieu, celui qui nous fait exister, se trouve affecté, « lié » par les décisions que nous prenons et les paroles que nous prononçons. Créateur de libertés, Dieu ne peut pas faire comme si elles n’existaient pas.

« Lier ? » Car nous pouvons empêcher Dieu d’agir.
Pourquoi ? Parce que son action passe par nous.
« Délier ? » : il nous est donné d’ouvrir les chemins par lesquels Dieu passe, les chemins de l’amour. …
à Et pour faire cela, nous avons besoin de transmettre la Parole de Vie qui vient de Dieu : nous avons à faire nôtre cette Parole.

D’où nous vient-elle ? De la communauté des croyants, et cette communauté nous parle d’abord en nous transmettant une parole très ancienne, celle qu’elle reçoit ellemême du Livre, écrit à partir du message transmis par celles et ceux qui ont accompagné Christ et qui l’ont entendu directement.

Alors ne soyons pas déçus par ce caractère indirect de la transmission de la Parole : c’est cela qui nous protège de l’individualisme, et qui construit la communauté, la communion.
C’est en effet dans cette communion que réside la vérité, car elle est expression de l’amour.

Délier, i.e. libérer la Parole qui nous arrache à nos servitudes, c’est permettre à Dieu de nous parler par les autres.

Pour ne pas risquer, pour ne pas nous mouiller, nous pouvons être tentés de nous réfugier dans des silences hypocrites ou coupables, déguisés en tolérance, une tolérance qui laisse l’autre patauger dans ses erreurs…
Mais l’avertissement préconisé par Jésus ne peut être authentique que dépouillé de toute illusion de supériorité et pur de tout jugement : nous pouvons juger des conduites mais pas des personnes, car cela reviendrait à prendre la place de Dieu. Par ailleurs, l’avertissement ne prend sa valeur que s’il est inspiré par une profonde bienveillance…
(Le recours à deux ou trois témoins, puis à la communauté, s’explique par la volonté de donner plus de poids à la persuasion, mais aussi par le désir de sortir d’un face à face où aucun des deux protagonistes n’est sûr d’avoir raison.)

Enfin, comprenons que c’est la communauté liée par l’amour-présence de Dieu qui est le lieu de la vérité. Si cette communauté se laisse guider par l’amour et ne cède pas à la volonté de puissance – ce serait alors de la perversion.

Jésus dit de considérer le récalcitrant comme un païen et un publicain : comment ne pas penser à son attitude envers ces personnes, comme le centurion romain de Matthieu 8 ou Zachée en Luc 19.

« Réunis en mon nom »
À première vue, les paroles de Jésus sont déroutantes. « Si deux d’entre vous se mettent d’accord pour demander quelque chose, ils l’obtiendront », dit-il. Même s’ils demandent la ruine d’un concurrent ? Même la mort de quiconque nous gêne ? Même la conquête du pouvoir ?
à D’abord, rappelons que Dieu répond à toute prière en donnant son Souffle, l’Esprit, et l’Esprit nous donnera l’attitude juste pour gérer la situation que les circonstances, favorables ou non, nous donnent à vivre.
à Nous ne devons pas compter sur Dieu pour modifier le cours des choses – ça lui appartient,
mais bien pour nous modifier nous, en nous rendant aptes à tout traverser ; y compris la mort. Et alors ne plus subir les évènements, mais y consentir, dans la confiance et l’espérance que Dieu nous donne.

C’est pourquoi Jésus précise tout de suite qu’il vient habiter celles et ceux qui sont « réunis en son nom ».
Donc pas n’importe comment, ni pour n’importe quelle raison.
Il ne suffit pas d’aller à l’église pour se réunir au nom du Christ, ni même de faire partie d’une communauté ou d’un mouvement religieux.
à Il s’agit chaque fois de s’accorder pour mettre au monde ce pourquoi le Christ a vécu et donné sa vie.

Encore une fois, il ne s’agit pas de dire « Seigneur, Seigneur », mais de faire la volonté de Dieu.
Mais que veut le Père ? Des fils, des filles, comme son nom l’indique.

Nous nous réunissons au nom du Fils quand nous cherchons ensemble à permettre aux autres de vivre dans la dignité, quand nous donnons un peu de notre vie pour eux.
Cela se dit : Amour. Volonté de Dieu et amour sont synonymes.
Il n’est pas de plus amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

C’est à cela que nous engage notre baptême, signe et sacrement de la foi et de l’amour de Dieu pour nous…

« Tu es mon enfant bien-aimé, en toi je mets tout mon amour… » nous redis Dieu Père à tout instant.

Homélie par la pasteure Nicole Rochat, le 3 septembre 2023

Homélie par la pasteure Nicole Rochat, le 3 septembre 2023

Offrir à Dieu un sacrifice mort ou vivant ?
Jr 20, 7-9   Rm 12, 1-2  Mt 16, 21-27

S’offrir soi-même en sacrifice vivant… qu’est-ce que cela suscite en vous ? Un sentiment de joie, de bonheur ? Ou une aspiration au masochisme et à trouver votre plaisir dans la souffrance ? Je suis surprise de m’apercevoir que ce terme est perçu davantage sous la forme macabre de la douleur volontaire que sous l’angle joyeux du service à son papa du ciel.

Pourtant, lorsque Paul nous encourage à nous offrir nous-mêmes comme sacrifice vivant, il nous propose de le faire en réponse à la tendresse maternelle que Dieu nous manifeste. Chouraqui va jusqu’à parler « des matrices d’Elohim », en allusion à la joie de la maman qui porte son enfant en elle et qui se réjouit de pouvoir l’offrir à la vie et le voir évoluer, grandir, s’épanouir. Dieu est celui qui, simultanément à notre mère, nous a portés, chéris, aimés. Rien à voir bien sûr avec le côté parfois sanguinolent d’un accouchement.

Ce Dieu-là, dont la matrice vibre pour nous en résonnance à notre venue à la vie, pourrait-il souhaiter que nous nous fassions du mal pour lui plaire ? Cela me semble difficilement concevable. Mais alors, pourquoi avons-nous interprété que s’offrir en sacrifice vivant reviendrait à se sacrifier soi-même ? Notez que ces deux termes « sacrifice » et « vivant » ont un côté paradoxal : le sacrifice d’un animal, sous l’ancienne alliance, utilisait la mort dans sa fonctionnalité sanctifiante et réparatrice. Mais un « sacrifice vivant » offre une nouveauté de sens. Ce sacrifice-là ne tue plus ! Un sacrifice vivant ouvre à une qualité de vie différente, inaugurée non par notre mort, mais par celle du Christ.

Si Christ est mort une fois pour toutes et tous, vouloir se sacrifier soi-même ne revient-il pas à mépriser le sacrifice entièrement suffisant accompli par le Christ ? Mais alors, qu’est-ce que cela peut bien signifier que de s’offrir soi-même en sacrifice vivant ? Tout d’abord, il ne s’agit pas d’offrir nos corps, comme si nos corps étaient porteurs de péchés qu’il fallait expier. Non, l’expression « offrir nos corps » est une manière de nommer une partie pour indiquer le tout : offrir nos corps, c’est s’offrir soi-même, offrir toute sa personne, tout son être dans un acte de consécration à Dieu. Ne rien retenir, ne rien garder pour soi, mais être totalement dans le don de soi à Dieu. C’est cela un sacrifice vivant, joyeux, heureux, vécu dans le prolongement de cet amour matriciel reçu de Dieu.

 

Ainsi donc, on est appelés à d’abord recevoir, avant de souhaiter donner. Se laisser remplir, combler avant de tenter de déverser à notre tour de cette abondance d’amour reçue de Dieu. Ainsi donc, nous pouvons nous ouvrir à un fonctionnement comparable à celui des poumons : ils se remplissent avant de pouvoir donner. Le geste qui sauve dans les premiers secours, c’est celui d’insuffler de l’air dans les poumons pour qu’il puisse réoxygéner le sang de la personne, amener l’oxygène dans tous les tissus du corps et ainsi leur redonner vie. L’amour de Dieu a lui aussi besoin de pénétrer en nous et de rayonner dans tout notre être, corps, âme, esprit pour nous donner sa vie.

Ne pas nous conformer au temps présent devient alors une évidence : la présence de Dieu qui circule en nous, nous transforme de l’intérieur. C’est pour cela que Paul dit : « N’entrez pas dans le schéma du monde, ne vous laissez pas modeler par le monde, ce serait faire fi de l’œuvre de Dieu en vous qui vous transfigure, comme elle a transfiguré Jésus lors de la rencontre avec Moïse et Elie sur le mont Thabor. C’est une question de priorité : la métamorphose de l’être intérieur doit primer sur l’influence de l’environnement. L’écoute de Dieu doit être prioritaire sur l’écoute du monde environnant.

Cela signifie-t-il qu’il faille être systématiquement en décalage avec la société qui nous environne ? Heureusement pas. On a trop souvent pensé que, être transformé par le renouvellement de l’intelligence, voulait dire s’opposer à la modernité, comme si adhérer à des valeurs vieillottes était préférable au fait d’adhérer à des valeurs actuelles. Or, c’est du pareil au même : dans les deux cas, on se laisse influencer par l’extérieur au lieu de donner la priorité à ce qui rayonne de l’intériorité de l’être. Refuser le progrès pour être vieux jeu n’apporte rien. C’est l’écoute de Dieu qui compte, car c’est elle qui renouvelle notre intelligence. Elle apporte donc de la nouveauté et non un retour en arrière. Elle pousse en avant, elle stimule, elle ouvre à une pensée renouvelée qui justement bouleverse les ornières du passé, remet en question les choses qu’on pensait immuables, apporte des éclairages inédits dans des domaines inexplorés. C’est cela, me semble-t-il, le renouvellement de l’intelligence.

Nous offrir nous-mêmes en sacrifice vivant, ce n’est donc pas aspirer à la souffrance, ce n’est pas non plus la craindre, mais vivre une sorte de lâcher prise pour donner la priorité à ce que nous ressentons être la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait.

Jérémie, dont nous venons d’entendre le témoignage, n’a pas vécu que des expériences positives en lien avec son service du Seigneur. En particulier, il souffre de la moquerie et du manque d’estime face au message dont il se sent porteur. Alors, dit-il, j’ai voulu oublier Dieu, ne plus parler de sa part, mais… « il y a alors au plus profond de moi comme un feu intérieur qui me brûle. Je m’épuise à le maîtriser, mais je n’y parviens pas. » (Jérémie 20,9). Oui, l’appel de Dieu est puissant. Il est difficile d’y résister, peut-être que certain.e.s d’entre vous l’ont expérimenté, mais dans ce cas, vous avez aussi pu découvrir combien il apporte de joie. Il donne la force de tenir bon face aux difficultés.

Jésus l’a lui aussi expérimenté. Quand il était au jardin de Gethsémané, il a hésité. Il s’est demandé : J’y vais ou j’y vais pas ? Et pourtant, quand Pierre lui dit que ça ne lui arrivera pas, il lui demande de se taire. Son appel à donner sa vie pour que tous les hommes et les femmes puissent recevoir le pardon et la vie éternelle, cet appel est comme un feu intérieur bien plus fort que toutes ses peurs et ses appréhensions. Jésus a replacé la volonté du Seigneur au premier plan.

Depuis que Jésus a accompli ce sacrifice mortel, nous n’avons plus à en réaliser. Au contraire, c’est à un sacrifice vivant que nous sommes appelés, mais c’est le plus exigeant qui soit, puisque c’est celui de tout notre être. Il est à considérer comme un culte spirituel, c’est à dire la meilleure manière de servir Dieu. Alors réjouissons-nous de pouvoir offrir à Dieu un sacrifice vraiment vivant !

Prédication par le pasteur André Sauter, le 27 août, 2023

Prédication par le pasteur André Sauter, le 27 août, 2023

Esaïe 22, 19-23   Lettre aux Romains 11, 33-36 et Matthieu 16, 13-23

Qui suis-je ? qui es-tu ? qui est Je suis? est-ce que vous vous êtes déjà demandé cela ?  Si vous êtes à la retraite et que vous vous présentez, vous direz peut-être j’ai été ceci ou cela… Est-ce qu’on a été ou est-ce qu’on est ?

Je peux décliner milles identités variées, je suis blanc, homme, suisse, retraité, habitant Bassins… est-ce que cela dit vraiment qui je suis ? Ce sont des catégories qui sont trop partielles, trop étroites…. Pourquoi ne pas élargir… et si je suis plus que cela ?  Si celui que je rencontre est plus que cela ? qui sommes-nous ?

Si nous prenions du temps pour dire l’un à l’autre qui nous sommes. Mais le savons-nous ? Dans des sessions de travail sur soi, un animateur propose par groupe de deux de répondre à la question qui suis-je, pendant environ 15 minutes.

Certains diront en premier lieu ce qu’ils ont parfois entendu de leur entourage : « je suis nulle, pas ordrée, égoïste, insensible », et j’en passe.

Puis viendront peut-être d’autres termes : »je suis venue de la voie lactée, venue des origines, je suis conscience, je suis Vie, je suis enfant de Dieu, mystère, sœur des arbres, du soleil, éternelle, je suis » et finalement viendra le silence…

Et donc on voit que la question que Jésus pose : qui suis-je ? nous devons aussi nous la poser les uns aux autres, comme Pierre a découvert dans ce dialogue des faces inconnues de son identité et a dû s’interroger sur ce qu’il était. Cela nous concerne de manière vitale et influencera notre quotidien.

Dans le premier texte d’Esaïe 22, le responsable de Juda est remplacé par Elyaquim. Cela interpelle, on est donc interchangeable, quelqu’un peut prendre ma place du jour au lendemain. Cela rappelle la parole de Jésus : Des pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants d’Abraham. Il s’agit donc de ne pas trop se prendre la tête sur notre identité visible. J’ai une identité paradoxale : j’occupe une place certaine mais je ne suis aussi qu’une toute petite cellule d’un grand corps.

L’identité de Pierre est contrastée… son prénom change… je peux donc changer d’identité… Je peux devenir vaste à tel point de pouvoir lier ou délier au ciel, et vous aussi, pas seulement l’apôtre… je peux aussi égarer l’autre, être instrument de perdition, diabolique (littéralement qui sépare).

Vertige devant ces perspectives… Comme être ? et alors ne s’agit-il pas simplement de laisser être ? Celui qui est.

Marguerite Porete, béguine du Moyen-âge, dira : « Je suis Dieu » et elle sera brûlée pour cette parole, dénoncée comme hérétique. Et pourtant, si nous pouvions chacun retrouver cette identité qui est première.

Je suis dans le Je suis… je suis buisson ardent.

Je suis à la fois le disciple, Moïse qui regarde le buisson, qui se tourne vers Dieu et je suis aussi le buisson ardent, buisson ardent appelé à resplendir de la lumière divine qui me constitue…

Quand les coreligionnaires de Jésus disent : il est Elie, Jean-Baptiste…. Ce n’est pas tout faut, Jésus est dans la lignée de ces grands prophètes, mais Jésus est bien plus que cela… de même quand on dit des autres, il est ceci ou cela, cela correspond en partie à leur identité, mais l’autre est bien plus que cela…il est partie de ce grand corps divin… il est Un en Dieu.

Comme le dit l’épitre aux Romains, nous ne savons pas vraiment qui est Dieu, cette Présence, ce qu’est la réalité, de même nous ne savons finalement pas vraiment qui nous sommes, qui est l’autre…

Si donc moi et l’autre et l’arbre et la vache… sont des éléments de la grande présence divine… sont en Dieu… je vais interagir différemment avec eux, je vais les considérer autrement. Ils ne sont plus objets, mais sujet.

Je vais arrêter de maltraiter ce grand corps qui est quelque part mon corps.Et si l’autre me fait du mal… je vais le lui dire avec force et respect, avec fermeté et patience en sachant qu’il est partie du Je suis qui est le nom divin : Je suis celui qui est. Cela n’empêche pas que je puisse prendre de la distance, suivant ce que je subis ou fait subir à l’autre, mais dans le respect.

Je suis…. Laisser résonner : Tu es… pas besoin d’ajouter milles étiquettes, milles activités… je suis occupé… et si je devenais vacant…vide, comme encourage tant maître Eckhart, à faire le vide… pour découvrir que je suis plein de Dieu… habité… j’ai un fondement et l’autre aussi…. Pas de souci, pas de stress. Si Je suis en Dieu… que craindre ?

Révolution copernicienne… bien-sûr à intégrer avec prudence, pour ne pas se prendre pour Dieu. Personne ne posséde Dieu, on peut être en Lui. Il n’y a pas trop de risque que cela nous monte à la tête.

En général on a un accent davantage dualiste… Dieu est tout et je suis vis-à-vis…. Juste une créature… de l’herbe qui passe…Mais il s’agit de ne pas oublier l’autre face de chacun… Je suis…je suis né « monogeneis » un , Jean 1,14, comme Jésus, comme chacun … Amour devenu visible, conscience manifestée. Le silence est nécessaire pour accueillir et faire l’expérience de la bonne nouvelle.

On voit en tout cas qu’il ne faut pas se précipiter. Il s’agit de faire halte, d’abandonner les chevaux de bataille, et bien plutôt prendre l’ânon. Écouter, regarder, ne pas juger de l’extérieur.

Notre identité est fluctuante, pas définitive, pas statique. Nous n’avons pas à la solidifier en une identité extérieure définitive, ni à nous y identifier de manière vigoureuse.

Nous avons à cultiver ce regard du cœur, ce regard d’unité profonde qui accueille les 2 faces de la vie, joie et souffrance, éternité et relativité. Ce regard peut nous apporter grande paix et calme. Tout ce qui arrive est partie quelque part du Je suis.

Il y a bien-sûr danger d’être extérieurement comme des bisousnours…. Je proclame : Tout est un, j’accueille tout… alors qu’il y a de grandes violences, des absurdités si douloureuses, comme le montre l’égarement même de Pierre, que je suis habité de tant d’ombre.

Jésus a des paroles vigoureuses… la psychologie nous rend attentif au grand danger des déviations mystiques, des envolées idéalistes. Denis Vasse, psychanalyste jésuite, insiste sur l’importance d’honorer les identités particulières et changeantes. Un enfant adopté a des besoins particuliers. Un enfant qui donne des coups de pied signifie des besoins vitaux. L’autre n’est pas moi… il a ses besoins, comme moi, à honorerL’apôtre Paul dans Romains 12 sur le corps du Christ, met en lumière l’unité et la diversité. Je n’ai pas à vouloir que l’autre fasse comme moi. J’ai à laisser être, à le soutenir, à être attentif à ses propres besoins… de son corps, de son âme, de son espritÊtre dans une passivité active. Etre à l’écoute, puis agir. Cuisine délicate que la construction de nos identités. Entrer dans le sentiment d’unité de l’intérieur, « tout est de lui, et par lui, et pour lui » et respect de la diversité et de la différence.

Nécessité du silence pour passer le rivage de l’objet, de l’objectivation au rivage du sujet :

Je suis.