Homélie par la pasteure Alice Duport pour le 10 septembre 2020

Homélie par la pasteure Alice Duport pour le 10 septembre 2020

Luc 4, 31-37

 

Vitrail vert de l'ArcheAujourd’hui, 10 septembre, je vais vous parler de Noël !
Mais même les petits enfants le savent : Noël n’arrive pas comme ça, ça se prépare, et donc, avant de parler de Noël, nous allons nous pencher sur ce texte difficile d’exorcisme.

Je trouve toujours ces récits d’exorcisme un peu embarrassants, et je ne sais trop que faire de cet aspect du ministère de Jésus. Chasser les démons est une notion qui nous est devenue assez étrangère, en tout cas aux esprits rationnels. Je vous propose pour ma part de discerner ce qui relève du vocabulaire et de la culture propre au 1er siècle. Les évangélistes écrivent dans un monde peuplé d’anges – qui sont au service de Dieu, et d’esprits mauvais, voire de démons – qui sont l’opposé de Dieu. C’est une conception un peu manichéenne du monde, entre le bien et le mal. Nous allons voir la place que prend Jésus dans ce monde-là, et comment cela peut interroger notre foi, aujourd’hui.

Pour y voir un peu plus clair, il nous faut remettre notre court passage dans la synagogue de Capernaüm dans le contexte du récit de Luc. Nous sommes dans ce chapitre 4 au tout début du ministère de Jésus. Il y a d’abord la tentation dans le désert, puis la première prise de parole publique de Jésus dans « sa » synagogue, à Nazareth où il a grandi. Il est appelé à lire le passage du jour qui se trouve dans Esaïe. Je cite « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a choisi pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année favorable pour le Seigneur ».
Et Jésus ajoute à la fin de sa lecture : « Celui qui est choisi par Dieu, C’est moi ! ». Nous connaissons la réaction des hommes de Nazareth. Pour qui se prend-il ? C’est le fils de Joseph, nous l’avons grandir ! La dispute s’installe, Jésus affirme que c’est bien dans la tradition biblique qu’un prophète, qu’un porte-parole de Dieu, ne peut être reçu -et entendu- dans son pays et son village. La dispute escalade. Ce qui est surprenant, c’est que tout cela fini par une tentative de mise à mort, un lynchage. Jésus quitte Nazareth, s’en va à Capernaüm. Déjà son ministère est marqué par le rejet et la mort.

Mais ce qui est important ici, c’est la parole d’Esaïe appliquée à Jésus. Le cadre de sa mission est posé. Aujourd’hui, on parlerait de cahier des charges ou de rôle : Annoncer la bonne nouvelle aux petites gens (aux pauvres) ; libérer, ouvrir les yeux et les consciences ; délivrer ceux qui sont enchainés. Proclamer la grâce qui vient de Dieu. Annoncer la proximité et la grâce de Dieu, la venue de son Royaume – c’est à la fin du même chapitre.

Voilà un beau message – et il est écouté ! on nous dit que Tous ceux qui l’entendent sont dans l’admiration. Sa parole est une parole d’autorité : elle fait foi. Elle touche les cœurs et les esprits. Et je crois que c’est ce que nous pouvons déjà retenir de cette entrée en matière, – ou cette entrée en ministère de Jésus : il est là pour dire une parole qui vient de Dieu. Et cette parole est délivrance, libération et grâce. Et bien sûr, elle est entendue.
Trois maîtres mots : Parole, autorité, délivrance.

Et voilà que, dans la synagogue de Capernaüm où Jésus enseigne, une voix s’élève en opposition à l’enseignement de Jésus. C’est un homme qui avait un esprit de démon impur. L’expression choisie par l’évangéliste force le trait : nous sommes dans l’opposition à Dieu. Au début de son ministère, alors que Jésus a résisté à la voix de la tentation et du tentateur, voilà qu’il est confronté au démon, – entendons : à ce qui n’est pas de Dieu.

Reprenons ce que dit le démon : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu ».
Et je trouve cela tout à fait étonnant… parce que, ce que dit le démon est vrai. Jésus est venu pour la perte de tout ce qui s’oppose à Dieu. Jésus est venu s’opposer au mal – le vaincre ! Et oui, il est le Saint de Dieu, – une autre façon de dire le Messie.
Alors, pourquoi Jésus le fait-il taire ?

Reprenons les maîtres mots de ce passage : Parole, autorité et délivrance.
Le démon qui enchaine cet homme n’a pas d’autorité. Ou plutôt, le Fils de Dieu ne va pas lui en donner. Il parle, mais il n’en a pas le droit – il est ce qui s’oppose à Dieu. Il n’a pas droit à la parole !
Alors, Jésus va ordonner au démon de sortir de l’homme. Sa parole d’autorité va être confirmée dans un acte de délivrance : l’Evangile nous dit ainsi que Jésus ne fait pas que parler, il agit et guérit. Jésus n’est pas venu écouter ce que raconte le démon… même si ce n’est pas faux ! Il est venu délivrer celui qui est enchainé par le mal et le Malin – l’homme de la synagogue, et tout humain qui souffre.

« Tu es venu pour nous perdre ? » crie le démon. Oui ! Jésus est venu anéantir les forces du mal qui empêche les humains de vivre libres et au service de Dieu.

Mais j’aimerais reprendre les étapes de cet exorcisme, parce que dans leur simplicité et autorité encore, c’est toute la mission de Jésus qui y est contenue.
Le texte nous dit « Jésus commanda sévèrement : Tais-toi et sors de cet homme ». Ce « Tais-toi » est ici important. Ce n’est pas seulement « il ne faut pas encore parler de la Bonne Nouvelle… Non, la traduction exacte est « sois muselé » – comme on empêche une sale bête d’aboyer et de mordre.
Ta gueule ! Shut up !
Qui a autorité pour dire la Bonne Nouvelle ? Qui a autorité pour désigner Jésus de Nazareth comme étant le Saint de Dieu, le Messie ? Certainement pas le démon, – il n’a pas droit à la parole.
Celui qui désigne Jésus comme Seigneur, c’est l’Esprit de Dieu qui repose sur lui, – et sur tout croyant qui se laisse toucher par l’Esprit et confesse sa foi. Mais pas le démon.

Je vous avais annoncé que nous allions parler de Noël…
Le démon crie « que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? ». Le texte exact dit « quoi de nous à toi ? » comme dans un autre passage des évangiles « Qu’y a-t-il entre toi et moi – entre nous et toi ? ». Il s’agit là d’une expression sémitique qui se traduit le mieux par « De quoi te mêles-tu ? ».

Cela dérange le démon que Jésus vienne se mêler de ses affaires. Bien.
Et cela nous dérange-t-il que Dieu se mêle de nos affaires… ou bien ?
Vous connaissez probablement le poème de Jacques Prévert qui commence ainsi « Notre Père qui êtes aux cieux, restez-y… ». Si la suite est une description fort jolie de ce qui se passe sur terre, j’ai toujours détesté cette phrase.
La Bonne nouvelle, n’est-ce pas que Dieu est venu se mêler de notre humanité ? Qu’il n’est pas « resté au ciel », loin de nous, loin de nos joies et de nos peines ? La Bonne Nouvelle, c’est que Dieu est venu se mêler de nos affaires. Il est devenu l’un de nous, pour dénoncer l’hypocrisie des puissants, politiques ou religieux, pour consoler ceux qui pleurent, pour relever ceux qui sont à terre – et pour faire taire nos démons.
Et c’est Noël, cette bonne nouvelle de la venue du Seigneur parmi nous !
C’est Noël, la bonne nouvelle d’un Dieu qui nous aime assez pour venir se mêler de nos affaires.
Noël, c’est la Bonne nouvelle de Dieu qui nous donne aujourd’hui encore, sa Parole, et l’autorité en son nom – de nous opposer au mal sous toutes ses formes.

La Bonne nouvelle nous oblige, sœurs et frères. A nous de transmettre la parole d’autorité du Seigneur. A nous, d’annoncer sa proximité et sa grâce.
A nous encore de dire « tais-toi » à toutes les voix démoniaques qui avilissent l’humain.
N’avez-vous jamais eu envie, en entendant un discours haineux – de simplement dire « tais-toi ! » ? Au nom du Dieu vivant, je t’ordonne de taire ta xénophobie, ton homophobie, ton racisme ou ton sexisme – tous ces démons qui empoisonnent la vie de tant de nos contemporains – souvent au nom d’une morale religieuse d’ailleurs.

La parole du démon a souvent l’aspect de la vérité, détournée et tordue. Mais elle n’a pas autorité.
Il en va, je crois, de la radicalité du message de Jésus. Il ne négocie avec le démon, avec ce qui enchaine l’humain. Il n’accepte pas de demi-vérité, sous prétexte qu’il faut respecter toutes les opinions – ce qu’on entend parfois aujourd’hui.
Jésus s’oppose au mal, à ce qui avilit l’humain et l’empêche de vivre debout et libre. A nous d’en faire autant.

Parole, autorité, délivrance et grâce.
Je reprends, pour conclure, ces maîtres mots du ministère de Jésus. Ils nous sont confiés, à nous son Église, ses disciples – pour que nous continuions en son nom à nous opposer au mal, à libérer ce qui est enchainé et à proclamer la présence et la grâce du Dieu vivant. Amen

Homélie par le pasteur Nicolas Charrière pour le 3 septembre 2020

Homélie par le pasteur Nicolas Charrière pour le 3 septembre 2020

Evangile : Mc 13, 14-27

Il arrive que nous soyons confrontés à des situations de détresse incommensurable. Que ce qui nous apparaît comme le plus sacré, le lieu qui dit la présence de Dieu en nous et pour nous, soit profané. Que ce qui constitue notre ressource la plus profonde, notre manière d’accéder à Dieu, d’être en lien avec lui, soit foulée aux pieds. C’était le Temple pour les Juifs du temps de Jésus. Cela peut être nos églises ou chapelles aujourd’hui. Nos icônes. Nos Ecritures, nos eucharisties. Cela peut aussi être notre corps lorsqu’il est violé, meurtri. Cela peut être notre image de nous-mêmes lorsqu’elle est bafouée. Notre intériorité lorsqu’elle n’est plus respectée.

Alors c’est comme si « l’Abominable Dévastateur », l’abomination de la désolation, faisait son œuvre en nous, s’attaquant à nos ressources spirituelles elles-mêmes. Et pour survivre et tenir le coup, pour résister aussi, il nous faut fuir. Quitter les sécurités, quitter le connu, ne pas se retourner en arrière sous peine de finir pétrifiés, comme la femme de Loth, dans l’impossibilité de se mouvoir. Et espérer avoir suffisamment de forces pour tenir bon dans ces temps bouleversants et difficiles.

Pour tenir le coup et résister, il faut aussi renoncer aux remèdes faciles, aux explications qui ne manqueront pas d’arriver, aux solutionneurs qui seront nombreux pour prendre la place menacée de la foi en Jésus-Christ. Ce temps d’épreuve, ce temps où les sécurités spirituelles que donne le sacré sont ébranlées, c’est un temps de veille et de résistance. Non pas en demeurant immobile, dit l’Evangile, mais en s’éloignant de ce qui fait mal sans entrer dans le regret. En se protégeant dans les montagnes, ces lieux qui rapprochent de Dieu.

Car ce temps n’aura qu’un temps. Dieu n’abandonne pas, et il agit pour que ses enfants qu’il aime aient la vie sauve. Et si tous les repères, le soleil et la lune et les étoiles, disparaissent, pourtant le Christ, lui, vient et rassemble dans l’unité de sa présence les femmes et les hommes dispersés et isolés dans leur détresse.

En ce temps de prière et d’engagement pour la Création, nous vivons aussi cette profanation de ce que la Création a de plus sacré – son lien à  Dieu – par les agissements des humains. Et nous pourrions tomber dans le désespoir paralysé ou l’affrontement agressif. Mais l’Evangile nous appelle à ce recul que permet la fuite dans les montagnes. Pour résister, entrer en prière, et ne pas succomber ni à la dépression ni à la violence.

Et garder chevillée au cœur et au corps la foi en Jésus-Christ qui n’abandonne pas la Création ni l’humanité. Veillez et priez. Pour ne pas s’égarer et pour agir. En se laissant rassembler par le Christ vivant, portés par les quatre vents de la terre entière et guidés par les anges, nous pourrons résolument vivre cette espérance que raconte l’Evangile: tout est entre les mains de Dieu, c’est pourquoi nous pouvons nous engager fermement contre tout ce qui bouche l’horizon du monde, et travailler à la sauvegarde de la Création qu’il nous a confiée.

Homélie par la pasteure Aline Lasserre pour le 20 août 2020

Homélie par la pasteure Aline Lasserre pour le 20 août 2020

Un prophète inconnu… appel à se recevoir de Dieu.

Marc 10:35-45, vouloir la bonne place, Ephésiens 2:11-22 : en Christ par l’Esprit tous unis pour devenir demeure de Dieu.

 

épis de bléC’est quand on lui a dit : » souvenez-vous » que celui que nous appelions le prophète s’est mis à parler comme avant.

Avant… c’était quand il était encore en pleine forme, qu’il racontait inlassablement ses rencontres avec son ami, l’apôtre qu’il appelait Paul. Lui notre prophète, je ne pourrai pas vous dire son nom parce que tout le monde l’appelait ainsi, si j’avais su qu’un jour on retrouverait ses écrits, une lettre adressée à nous Ephésiens, et qu’on ne pourrait pas alors les signer c’est sûr que je le lui aurai demandé son nom.

Ce que je peux vous dire de lui c’est que c’était un homme qu’il faisait bon rencontrer. Il appartenait à ces gens que vous rencontrez même quelques minutes et dont le souvenir reste gravé pour toujours tant la rencontre a été profonde. Dans toute une vie il y en a peut-être deux ou trois de ce genre-là.

Maintenant le prophète était âgé, parfois sa mémoire lui faisait défaut et il en paraissait si déçu que vous auriez voulu trouver pour lui le mot manquant, avant même qu’il ne s’en aperçoive.

Cet après-midi-là nous étions plusieurs rassemblés près des mûriers, l’air était encore chaud et portait en lui le parfum de l’été.

La ville d’Ephèse, non loin de là, sortait de la torpeur de la sieste- L’un de nous avait évoqué l’apôtre Paul espérant que le prophète reprendrait le nom au vol et nous raconterait alors une histoire, mais rien. C’était comme si ce prénom ne lui évoquait plus rien alors quelqu’un a dit : « Souvenez-vous ».

A ces mots le regard du prophète s’est illuminé, sa langue s’est déliée et il ne s’est plus arrêté.

« Souvenez-vous qu’autrefois vous étiez étrangers à la promesse, sans espérance, sans Dieu, séparés du peuple élu ».

Moi j’ai pensé en moi-même : Etait-ce seulement autrefois, ne sommes-nous pas encore étrangers les uns aux autres ? Ne sommes-ne pas en régulière rivalité les uns avec les autres ?

Mais le prophète continuait : « mais maintenant vous avez été rendus proches par le sang du Christ ! » Devant nos mines dubitatives, il a ajouté « Non ce n’est pas de sacrifice sanglant à son propre Père que je parle, mais de sa vie offerte pour tous, pour faire de chacun de nous les enfants du même Père, des enfants de Dieu.

Oh je sais ce n’est pas si simple à comprendre, ce que je vous dis là, c’est ce que Paul a pris le temps de longuement m’expliquer en me disant que ceux qui avait reçu la Loi s’étaient en fait blessés à son usage. Soit ils se sentaient toujours coupables, toujours pris en défaut devant les exigences de cette loi qu’ils n’arrivaient jamais à accomplir, soit ils se sentaient triomphants parce que sûrs d’assurer eux- mêmes leur salut. Et c’est ainsi que peu à peu le mur de séparation s’est érigé entre les purs et les impurs,

entre les bons et les mauvais, entre les justes et les païens.

Or devenir enfants de Dieu, c’est une pure grâce. C’est recevoir la vie de Celui qui seul peut nous libérer de cette puissance de péché qui nous sépare de Lui. »

Il avait énoncé cela d’une seule traite et on avait un peu de peine à suivre, le prophète le voyait bien, alors il a expliqué encore :

« Livrés à nous-mêmes, à nos idéaux, à nos propres conceptions, nous construisons des murs entre nous, nous pensons qu’un peuple Saint s’acquiert par l’exclusion de l’autre, nous faisons pour cela, beaucoup d’efforts, consacrant beaucoup d’argent pour nous isoler les uns des autres.

Or en Christ, c’est juste tout à fait l’inverse.

Son peuple saint : c’est l’ensemble de l’humanité rassemblée en lui, ce n’est pas un peuple de purs au-dessus des autres, sans tache, c’est toute l’humanité unie.

A nous, cela est impossible, c’est de l’ordre de Dieu, c’est sa création parce que l’unité sera toujours son œuvre à Lui.

Par nous-mêmes, nous en sommes tout à fait incapables. Nous ne savons que diviser, chercher des privilèges, nous comportant comme des enfants dont l’un se vante d’être l’aîné, le chouchou, ou d’être celui qui mérite le plus d’amour.

Le prophète avait souri, peut-être pensait-il à ses enfants se vantant en chantant : «  il m’aime plus que toi, nananère, nananère… » puis pensif il avait ajouté «  mais cela n’est pas que le propre des enfants, cela dure hélas toute notre vie d’adulte. Prétendre être le peuple élu au détriment des autres, être un peuple de purs, vouloir occuper la meilleure place…Dieu nous a pourtant donné par le Christ le moyen de nous en sortir : Laissons le Christ être notre paix, laissons-le nous rassurer et nous réconcilier, lui-même, en un seul corps ». J’étais en train de me demander s’il nous faudrait tous devenir Juifs pour appartenir à ce peuple élu. Mais le prophète poursuivait en disant que « le Christ venait apporter la paix à ceux qui sont proches comme à ceux qui sont loin, parce que par son Esprit Il nous rend tous proches du Père », alors l’humanité nouvelle ne sera pas le fait d’une assimilation des uns par les autres mais d’un tout autre ordre : de l’ordre de Dieu qui donne à chacun pleinement sa place.

Etre famille de Dieu ne peut pas se vivre les uns séparés des autres, mais bien dans la Grâce d’être ensemble créés enfants de Dieu.

C’est ainsi unis que nous serons la demeure de Dieu, l’Eglise, le Christ en constituant la pierre d’angle et les uns aux côtés des autres formant ensemble cette demeure, placés côte à côte dans un même service à l’image du Seigneur ».

Il a conclu en disant que « ce n’est qu’en recevant la Grâce d’être serviteurs de ce Seigneur qu’alors ensemble nous pourrons laisser notre maitre nous unir.

Il a fermé les yeux en ajoutant : « Que cela soit notre prière et notre agir jusqu’à ce que ce jour advienne… »

 

C’est bien plus tard que jubilant d’avoir trouvé une lettre à nous adressée, nous avons reconnu les mots du prophète, hélas aucun de nous ne savait son nom, c’est ainsi que cet écrit sera désormais transmis comme la contribution humble d’un serviteur à l’édification de cette demeure que nous sommes toutes et tous appelés à former. Amen.

Homélie par le pasteur  John Ebbutt pour le 16 août 2020

Homélie par le pasteur John Ebbutt pour le 16 août 2020

Esaïe 56, 6-7 , Romains 11, 13-13, 29-32, Matthieu 15, 21-28

 

Avez-vous quelque chose à déclarer ?

C’est la question que l’on nous pose parfois à la douane, lors du retour dans notre pays ! Sauf en cette année, où peu sont partis à l’étranger…

Traverser une frontière, c’est toujours franchir un passage. Il peut se vivre entre le connu et l’inconnu, là-bas et ici, comme pour moi qui a changé de canton pour venir vous trouver ce matin, … quel dépaysement !

Dans tout passage de frontière, il y a une part plus ou moins grande de découvertes à ce qui n’est plus tout à fait chez nous. En Arche toute ! Que j’aime ce lieu entre ce qu’il représente pour moi de familier et pourtant de toujours neuf. Une nouveauté colorée et accueillante.

Mais bien plus, changer de continents, partir au loin, venir d’autres cultures, alors c’est réaliser toutes nos différences comme autant de richesses, de privilèges à pouvoir vivre ici en paix par exemple. Et nous sommes ces jours-ci profondément unis au peuple libanais.

Une frontière, c’est un passage, pour passer d’un monde à un autre, mais c’est aussi une barrière et une protection. Une frontière ça place une limite qui exprime également une identité. Elle nous définit et nous rassemble comme les participants de cette semaine à la retraite des exercices contemplatifs.

 

Mais plus que partout ailleurs peut-être, c’est le pays d’Israël qui au temps du Christ était délimité par une frontière, non pas infranchissable, mais avec des possibilités de passage en terre païenne, là où les gens étaient impurs, là où d’autres croyances, d’autres dieux étaient adorés, là où l’on ne devait plus tout à fait se sentir à l’aise… Une frontière que l’on s’abstenait j’imagine de franchir, sauf pour motifs économiques, pour aller survivre ailleurs.

Aujourd’hui encore, plus que dans bien d’autres pays, un mur sépare, des postes-frontières délimitent des territoires occupés. On ne peut circuler partout à sa guise, selon sa provenance, selon ses besoins… Une situation qui vue d’ici nous échappe totalement et qui semble bien compliquée.

Qu’est-ce qui a bien pu pousser Jésus à aller voir de l’autre côté, dans les régions proches des villes de Sidon et Tyr, nous dit-on qui, franchement dans la Bible, ont une réputation épouvantable ?

Pourquoi a-t-il fait ce premier pas au dehors d’Israël ? Une première incursion en terre étrangère qui n’était peut-être pas sans risque.

Etait-ce par curiosité ? Etait-ce par appel de son Père à aller porter plus loin l’Evangile ? Etait-ce pour mettre en pratique son enseignement qu’il venait de donner sur ce qui est pur et impur aux pharisiens scandalisés de l’entendre ? Dans l’Evangile de Marc, on nous dit même qu’il y va en voulant rester caché. Surtout ne pas se faire reconnaître.

Mais franchement, si on peut se plaindre parfois chez nous de l’attitude de certains touristes, celle du Christ n’est en rien un exemple !

Voilà une femme qui de Cananéenne s’avance vers lui, le priant de guérir sa fille et il ne répond rien. Pas un mot ! Il se tait !

Elle insiste, elle crie, importune ces hommes et il ne lui adresse même pas la parole, répétant aux siens sa conviction :   « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël ». Pire, quand elle se met à genoux devant lui, il utilise une insulte courante pour traiter les autres, ceux au-delà des frontières, de petits chiens.

Pas très correct ce Jésus ! Pas de quoi en faire un modèle de tolérance et d’ouverture !

Mais loin de se décourager la femme a un tel sens de la répartie qu’elle fait revenir Jésus sur sa décision. Elle franchit une frontière :

« Même les petits chiens mangent les morceaux qui tombent de la table de leurs maîtres ».

Il y a aussi dans la vie les frontières que l’on se fixe, celles qui sont à l’intérieur de chacun. Celles qui nous gardent, parce que l’on a tous besoin de retrouver ce qui est connu. Celle qui nous permettent de vivre chez soi, en paix.

Frontières de la pensée, des habitudes, de la foi que je n’aime pas toujours se remettre en question. Frontière des relations et de liens. Frontières des groupes et des appartenances.

Jésus en venant poser ses pieds ailleurs, semble tout d’abord comme emmuré, pris au piège de sa croyance. « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis… ».

Limites toutes humaines que l’on retrouve chez lui.

Mais comme une barrière qui tombe au travers de cette rencontre inattendue, il y a un cheminement intérieur qui tout va changer.

Sans arrogance, sans contester, mais avec un humour décapant et une grande simplicité, cette femme revendique sa part de miettes. Non pas un morceau de pain tout entier, mais quelques miettes seulement tombées de la table…

C’est vrai, Jésus commence par refuser d’entrer en relation par son silence. Il justifie son attitude en expliquant le sens de sa mission. Mais la femme ne répond pas à l’insulte avec colère. Et le voilà pris à sa propre comparaison par celle qui a admis l’élection prioritaire d’Israël, mais qui en profite pour dire qu’élection ne signifie pas nécessairement exclusion, et qu’en se serrant un peu on pourra toujours trouver une place pour tout le monde. Sans le savoir, elle vient de s’asseoir à la droite d’Abraham. Le petit chien vient de supplanter les fils.

Réponse pleine de finesse qui provoque chez Jésus un changement profond. C’est une Cananéenne, dans un pays détesté, appelant Jésus Fils de David, qui lui fait prendre conscience que le salut n’a pas de frontières, que Dieu n’est pas délimité et que son amour ne s’embarrasse pas de catégories humaines !

Il y a quelque chose de bouleversant dans ce face à face. Une femme qui prie de tout son être et qui va jusqu’au bout de sa requête en refusant de taire sa souffrance de mère. Et un Jésus qui se laisse petit à petit rejoindre et toucher par ce qu’il n’avait pas prévu. Du petit chien il rencontre un être humain. De l’étrangère il découvre une croyante. De la distante il s’étonne et s’émerveille tout à coup d’une foi si grande.

A travers la persévérance de cette femme, il y a une assurance, une parole audacieuse faite d’humilité et de force qui ne se laisse pas fléchir. En ne voulant pas s’asseoir à la même table, elle ne tient pas à lâcher les miettes non plus.

Vivre sa foi, ce n’est pas prétendre aux honneurs, revendiquer des privilèges, mais n’est-ce pas non plus oser se tenir devant Dieu avec sa prière ardente, avec cette confiance folle d’être écouté et entendu ? Vivre sa foi, n’est-ce pas oser se tenir là où nous sommes susceptibles d’être rejoint et compris ?

Vivre sa foi, n’est-ce pas oser parfois franchir les frontières de la bienséance pour aller au-devant, interpeller, entrer dans ce dialogue, cet échange fructueux avec celui qui donne, en venant accueillir une foi active et en mouvement? Il vient reconnaître nos vies dans ce qu’elles portent de vitalité intérieure, de foi qui ne se laisse pas décourager et qui nous invite à tenir notre place, quelle qu’elle soit sans s’effacer ou se sous-estimer.

J’aime cette femme de l’Evangile dans ce qu’elle bouscule en moi de discret, de tranquille et de poli. Elle m’apprend à entrer dans une vie au-delà des frontières et des limites que l’on se fixe. Car la miséricorde de Dieu ne peut-être qu’ universelle. Et un humain reste toujours d’où qu’il vienne un humain quand tombent les préjugés qui nous séparent les uns des autres.

Nous sommes tous des étrangers rencontrés. Des lointains qui avons été rejoints. Des distancés qui se sont sentis un jour approchés.

Mais tout autant, n’y a-t-il pas non plus quelque chose d’extraordinaire à travers Jésus en qui la volonté de son Père voit peu à peu le jour ?

Il se laisse émouvoir pour finalement accueillir ce chemin vers l’autre qui va au-delà de ce qu’il imaginait. Il devient capable de réconciliation. Il accepte avec un véritable étonnement que Dieu n’est pas toujours là où on l’attend. Il se cache parfois chez l’autre, celui ou celle qui m’est inconnu ou différent. Et qu’il y a quelque chose à apprendre de l’autre côté de mes certitudes et mes prêt-à-penser. Rencontre qui n’est possible que si chacun sort un peu de chez lui.

Franchir nos frontières. Dépasser nos limites.

A la fois en allant plus loin

Et puis en laissant venir. Sur sa terre, dans son monde, dans sa réalité parfois si étrange que nous ne nous comprenons pas nous-mêmes.

Laisser un Autre nous connaître

J’aime ce Christ qui ne pose pas autour de moi une barrière toute faite, mais qui est chemin pour découvrir que j’ai besoin des autres, pour changer, transformer mes convictions mêmes les plus intimes. Besoin des autres pour interroger ma foi et que, parfois, c’est de ceux qui sont le plus à l’extérieur de nos frontières, qu’elles soient celles de nos vies, de l’Eglise, de nos cercles d’appartenance, que vient une fraîcheur, une quête qui nous remet en question. C’est une sacrée leçon de vie ! Parfois ce sont des croyants non pratiquants, ce sont les questions des enfants, ce sont les drames ou les bonheurs de la vie des autres qui nous éclairent sur ce qu’il y a de plus vrai sous un même ciel, de plus essentiel sous le même regard de Dieu qui se laisse rencontrer au détour d’un chemin, oui vous savez… là bas, de l’autre côté, au fond, derrière, au dehors, tout près, juste ici,

… juste un peu plus loin !

 

Amen

Homélie par le pasteur Timothée Reymond pour le 15 août 2020, la fête de Marie, mêre du Seigneur Jésus

Homélie par le pasteur Timothée Reymond pour le 15 août 2020, la fête de Marie, mêre du Seigneur Jésus

Esaï 7, 10 – 15, 1 Corinthiens 15, 20 – 26, Luc 1, 39 – 56

Avec des éléments d’un commentaire de M. Domergue sj

Au fil des siècles, les Églises ont fêté la « dormition » de Marie, c’est-à-dire sa mort dans la paix – endormissement – et la montée auprès de Dieu – « assomption » – de son corps inanimé mais non corrompu par la mort…

Marie meurt donc comme tout le monde, comme son fils. Mais on nous dit qu’elle est prise tout entière, y compris son corps, dans la gloire de Dieu.

Dit comme cela, ce qui arrive à Marie n’est pas tellement différent de ce qui nous arrive à nous, promis que nous sommes à la résurrection. Bien sûr, on nous dira que pour Marie tout est spécial, car elle a porté l’humanité du Christ, un homme sans péché…

Soit, cependant ce qui est « spécial » pour Marie n’est là que pour nous. Marie n’existe pas pour elle-même mais pour le Christ ; et le Christ est celui en lequel nous avons l’être et la vie. Nous sommes pour lui et il est pour nous.

Parler de Marie c’est donc parler du Christ et parler de nous ; parler de Dieu avec nous.

 

La réflexion chrétienne sur Marie a toujours compris qu’elle occupait une place centrale dans le dessein de Dieu selon une double perspective :

à Marie est celle par qui le Christ prend chair ; donc, en quelque sorte, chemin de Dieu jusqu’à nous… même s’il ne faut pas imaginer un fossé a priori entre Dieu et nous, alors qu’il est Celui qui nous porte.

à Marie est aussi celle par qui l’huma­nité accueille Dieu.

A partir de là, on a toujours hésité entre deux perspectives : Qu’est-ce qui fait que Marie occupe une place centrale ?

  1. Est-ce le fait qu’elle a porté le Christ ?
  2. Est-ce le fait qu’elle s’est montrée la croyante typique ?

Ce n’est pas tout à fait la même chose. Si l’on met en premier plan sa maternité, on insiste sur ce qui la rend différente de nous, car il n’y a qu’une mère du Christ. Si l’on insiste sur la qualité de sa foi, on la rapproche de nous : elle vit ce que nous avons tous à vivre pour mettre au monde le Christ…

 

La première lecture du livre d’Esaïe nous dit que le Seigneur donnera un signe à Achaz, roi de Juda, encerclé par l’ennemi : la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils, i.e. une descendance royale grâce à l’intervention de Dieu dans une situation apparemment sans issue. – On peut aussi y discerner l’annonce de la venue du Messie grâce à Marie qui va l’enfanter. à Et là, nous sommes dans la première perspective : Marie – habitation de Dieu.

Mais l’Évangile de ce jour nous fait comprendre que ce qui fait Marie ce n’est pas seulement le fait de porter le Christ, mais c’est aussi et avant tout d’avoir « entendu la parole de Dieu » : « Bienheureuse celle qui a cru » dit Élisabeth. Et puis, la lecture de 1 Corinthiens 15 nous parle de la résurrection du Christ, promise à tous les siens. Voilà qui ramène Marie au sort commun, nous invitant à considérer sa mort comme une sorte de cas particulier, exemplaire, de la résurrection.

 

La trajectoire parcourue par Marie est donc représentative de ce qui arrive à l’humanité avec le Christ. Dire que Marie, à sa mort, ne connaît pas la corruption de la mort, est là pour nous dire que Dieu a le dernier mot et que tout se termine en gloire, dans le salut accompli.

Cette trajectoire abou­tit moyennant la foi, l’accueil confiant du don que Dieu nous fait.

Marie, c’est Eve, la Femme mère de la vie ; une Eve qui réussit dans la confiance ce que la première Eve avait raté dans la défiance.

Qui ne comprend pas que nous sommes toutes et tous cette première Eve – et ce pre­mier Adam – qui avons à passer de la non foi à la foi ? Foi en la vie que Dieu nous donne dans le Christ ?

Marie décrit devant nos yeux la route juste du croyant, cet itinéraire par lequel nous permettons à Dieu de venir à notre monde et qui se termine en Dieu, l’origine.

 

Prière de frère Alois du 15.08.2019 : 

 » Dieu de miséricorde, nous te louons pour tous les saints témoins du Christ, depuis les apôtres et la Vierge Marie, jusqu’à ceux d’aujourd’hui.

À leur suite tu nous appelles nous aussi à accueillir ta présence, nous qui sommes des pauvres de l’Évangile. Notre peu de foi y suffit. Amen. « 

Homélie par le pasteur Jean-Louis L’Eplattenier pour le 9 août 2020

Homélie par le pasteur Jean-Louis L’Eplattenier pour le 9 août 2020

 

1 Rois 19, 9-15a – Rom. 9, 1-5 – St. Matthieu, 14, 22-33

Jésus oblige les siens à monter dans la barque, comme nous avons été obligés d’entrer dans celle de la vie, qui s’apparente davantage à une coquille de noix qu’à une embarcation stable. Pour être parabole de la vie, l’Évangile d’aujourd’hui ne veut pas dire que l’existence n’est que tempête, ou que l’existence de la loi n’est authentique que dans l’affrontement de tempêtes ; il ne veut pas dire non plus que nous avons reçu la vie pour être envoyé au casse-pipe, et, je ne pense pas qu’on puisse prêter à Jésus l’intention d’une mise à l’épreuve ; on voit plutôt un homme triste et fatigué.

Il s’était retiré une première fois après la mort de Jean-Baptiste, mais il est rappelé pour une urgence humanitaire : nourrir une foule affamée qui le poursuit.

Une nouvelle fois, il se retire pour être seul, vivre un instant d’intimité avec le Père, reprendre souffle, se resituer, prier : un appel à vivre nous aussi cette alternance de l’action et de la contemplation, respectant ce mot d’ordre vital : « Prie et travaille pour qu’Il règne ».

Un coup de tabac, donc, sur le lac de Tibériade : une tempête active, « jusque vers la fin de la nuit » : c’est long, bouleversant les disciples qui ont peut-être dérivé : Marc, dans l’Évangile, dit que « les disciples se battent à ramer contre le vent ».

Le vent, l’eau, comme le feu sont ces forces ambiguës, paradoxales, tantôt sources de vie ou de mort, de consolation ou de désolation qui s’entremêlent dans nos vies et dans le monde.

Dans l’Évangile, aujourd’hui, la tempête symbolise les mystères douloureux, les turbulences, les pertes de repères, toutes ces tempêtes, bouleversant, dénaturant les projet du Créateur et la beauté de la vie, désespérant tant de nos semblables qui en concluent à l’inexistence de Dieu.

Elie, lui-même, ce passionné de Dieu, déprime et cherche la mort. Dieu le rattrape, parce que Dieu n’est jamais loin, et Il lui dit Sa Présence dans le murmure d’un souffle ténu : c’est le Seigneur tout en douceur et en tendresse l’invitant à refaire un pas de vie.

St. Paul, cet autre passionné de Dieu, vivra jusqu’à son dernier souffle « la douleur et la grande tristesse » d’être un dissident de sa famille d’origine, ses frères de race, parce qu’il a été appelé à suivre le Christ : un conflit de loyauté, peut-être pas vraiment une tempête, mais un bon exemple de combat, touchant l’être profond ; pourtant il annonce la Bonne Nouvelle, contre vents et marées, avec autorité et succès : il a l’air satisfait, mais il prend l’Esprit Saint à témoin, pour dire sa souffrance ; et puis, il y a cette mystérieuse écharde qui le tourmente, dont il demande, avec insistance, d’être débarrassé : « Ma grâce te suffit »… pour toute réponse !

Alors, comment comprendre une telle parole, au cœur des tempêtes qui secouent notre monde ? Qui peut s’entendre dire : « ne pleure pas », « n’aie pas peur », face aux désastres humanitaires qui font l’actualité. Il y a des tempêtes qui défigurent, personnelles ou collectives, elles laissent souvent sans voix, face à l’absurdité, au pourquoi, face à la révolte, au malheur, à l’injustice, il vaut quelquefois mieux se taire, mais être là et laisser la place au cri de douleur : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Face aux tempêtes de la vie, il y a dans l’écriture un visage exceptionnel, c’est Job. Il est l’image de la confiance absolue en Dieu : il perd tout, à l’extrême imaginable, mais son malheur n’est pas au centre de ce qui lui reste de vie. Je ne sais pas s’il faut dire qu’il lutte avec le mal ou contre le mal, parce qu’en fait on a l’impression que le mal n’a plus de prise sur lui, comme s’il disait « oui » au silence de Dieu ; c’est que sa dignité lui vient justement de sa relation vivante avec Dieu, au fond de son cœur.

« N’ayez pas peur, c’est moi » : Jésus peut le dire parce qu’il EST la Paix, le calme dans la tempête ; comme il rend la vie à Lazare, parce qu’Il EST la Résurrection, comme Il EST la consolation de la veuve de Naïm  en lui rendant son fils.

D’ailleurs, face aux disciples qui le prennent pour un fantôme, Il dit : « N’ayez pas peur, JE SUIS ». En français courant, on traduit : « C’est moi ». En fait, il se présente, comme quant il dit : « JE SUIS le pain de vie », « JE SUIS le bon berger », « JE SUIS la Résurrection et la Vie » … C’est ainsi que Dieu se présente face à Moïse.

Jésus a dit « Je prierai le Père et Il vous donnera un autre consolateur qui sera avec vous pour toujours, , « l’Esprit de vérité » (Jn 14, 16) et, au moment de retourner vers le Père, il a promis : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps » (Matth. 28. 20).

C’est là que se joue notre combat de la foi = le pas de confiance à poser, à faire et à refaire au quotidien, avec évidemment, l’inévitable besoin de vérifier, et la tentation de se donner la main à soi-même, plutôt qu’à Jésus = nous sommes alors proches de Pierre qui sombre ! Mais proche de lui aussi, peut-être, quand nous crions, fragilisés et démunis, comme lui : « Seigneur, sauve-moi ! »

Amen.