Homélie du 22 mars 2020 par le pasteur Jean-Louis L’Eplattenier

Homélie du 22 mars 2020 par le pasteur Jean-Louis L’Eplattenier

Jn 6, 1 – 15

Dimanche dernier, avec Jésus et la Samaritaine, au puits de Jacob, nous avons vécu la rencontre de deux soifs qui s’attendaient, comme si l’eau cherchait la soif pour abreuver le corps de l’un et l’âme de l’autre.

Aujourd’hui, face à cet autre besoin vital = le pain, en multipliant à l’infini le pique-nique d’un enfant, Jésus nous dit sa sollicitude face à l’urgence, jusque dans le détail : il y a beaucoup d’herbe, Jésus fait asseoir tout le monde ; Marc, dans son évangile, précise que sur l’herbe verte, les gens s’étendent par rangées de cent et de cinquante !

Jésus nous redit aussi, bien sûr, que rien ne lui est impossible.

Au désert, les hébreux ont fait l’expérience du miracle de la manne, abondante, mais au jour le jour. Ici, il n’y a pas assez de mots pour dire la démesure de la générosité de Jésus : Il leur en donne autant qu’ils en désiraient et il en reste douze paniers.

On ne peut pas accueillir cet évangile, sans faire référence à l’enseignement que Jésus en donne à la foule qui le poursuit et qui négocie = « Je suis le Pain de Vie », dit-il.

Jésus nous rejoint dans notre humanité fragile, dépendante de son travail, et des fruits de la terre. N’est-ce pas ce que nous demandons, quand nous prions : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ? »…… le pain de la survie, au jour le jour pour restaurer les forces du corps et de l’âme, pour nous et pour notre monde. Notre prière rejoint la demande de la Samaritaine : « donne-moi cette eau pour que je n’aie plus soif » et celle de la foule : « donne-nous toujours de ce pain-là. »

Notre monde est habité de faims et de soifs, sans fin = faim de pain : celui de l’amour, de la confiance, du pardon, de la vérité ; soif d’eau, de vie, de justice, de paix : comment cet Évangile peut-il être une bonne nouvelle pour nos frères et sœurs affamés et assoiffés ?

Je me souviens que Dieu ne fait rien sans nous ; Il a faim et soif de notre communion avec Lui et avec nos frères et sœurs en humanité, pour aller à la rencontre des précarités qui défigurent l’ordre de la Création.

Quant aux douze paniers, rassemblant les morceaux qui restent, afin que « rien ne soit perdu », j’aime croire qu’ils servent à nourrir l’Église, jusqu’à la fin des temps.

C’est étrange de parler d’Eucharistie alors que nous en sommes privés ; peut-être est-ce donné de vivre un temps de jeûne, rendant plus évident le manque et la fête dont nous sommes privés, un temps de jeûne réveillant et stimulant une communion et une solidarité très humaine, que l’Esprit Saint habite avec force et douceur.

Jésus nourrit notre faim spirituelle, et, paradoxalement cette faim engendre une faim de Dieu qui ne saurait être comblée = une faim et une soif qui exacerbent le désir de communion avec Dieu, qui fait dire au psalmiste :

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube.
Mon âme a soif de toi, mon corps soupire après toi,
comme une terre sèche, aride, sans eau ;
mon âme se presse contre toi…
Amen.

Homélie par la pasteure Lucette Woungly-Massaga 5 mars 2020

Homélie par la pasteure Lucette Woungly-Massaga 5 mars 2020

Jc 3,1-18; Mt 18,21-35

Nous venons d’entendre 2 prédications (ou enseignements) – et vous voudriez que j’ajoute une 3e? Il y a celle de Jésus, avec sa parabole bien connue du serviteur impitoyable. Celle de l’épître de Jacques est moins connue, mais pas moins parlante, avec sa rafale d’images hautes en couleurs pour mettre en garde contre les désastres que peut provoquer la langue, quand elle n’est pas tenue en bride! Comment voulez-vous que j’en rajoute, alors que l’apôtre dit d’emblée:1Ne vous mettez pas tous à enseigner, mes frères [mes sœurs]. Vous savez avec quelle sévérité nous serons jugés, tant nous trébuchons tous. Si quelqu’un ne trébuche pas lorsqu’il parle, il est un homme parfait? Je suis loin d’être parfaite, et encore moins un homme parfait! Je n’ai donc pas préparé une prédication, mais simplement essayé de partager un peu de ce qui m’est venu à l’esprit en me mettant à l’écoute des 2 textes mis ensemble. Un 1er constat: les deux s’adressent à des personnes engagées, qui suivent Jésus le Christ.

La langue est un petit membre aux grands effets, semblable à un peu de feu qui suffit pour faire flamber une vaste forêt ! … Avec elle nous bénissons le Seigneur et Père ; avec elle aussi nous maudissons les humains, qui sont à l’image de Dieu … Mes frères [et sœurs], il ne doit pas en être ainsi (v.5. 9s). Oh, si seulement aucune parole blessante ou médisante ne sortait jamais de ma bouche! Mais ça m’arrive, bien malgré moi. Que faire?

Regarder du côté de la source, suggère notre passage. Or la source, nous apprend le psalmiste, c’est le cœur: Le parleur de vérité en son cœur ne diffame pas de sa langue (Ps 15,2s, trad° A.Chouraqui). Selon la Bible, le coeur est le siège non seulement de tous les sentiments, mais encore de l’intelligence, de l’imagination, de la sagesse, et pour l’apôtre Paul aussi de l’Esprit-Saint.

La mise en garde est très sévère: … si vous avez le cœur plein d’aigre jalousie et d’esprit de rivalité, … ne nuisez pas à la vérité par vos mensonges. Cette sagesse-là ne vient pas d’en haut ; elle est terrestre, animale, démoniaque. Malheur à moi: alors que je désire ardemment suivre le Christ et être proche de lui, tout particulièrement en ce temps de Carême, il m’arrive de parler et d’agir selon la sagesse terrestre – Que faire? Y aurait-il deux sagesses qui cohabitent dans mon cœur? L’apôtre semble l’exclure: la source produit-elle le doux et l’amer par le même orifice ? – Alors suis-je condamnée? que faire?

Et si ma question était mal posée? En effet, même si nous avons été revêtus de Christ par le baptême (Gal 3,27), et lui appartenons, nous restons des humains, nous appartenons aussi à la terre. Comme humains, nous apprenons des règles de vie, des lois du vivre ensemble établies par la société, et ces lois de l’habitat, de l’oiko-nomos, l’économie sont marquées par la sagesse humaine, terrestre. Dès le bas âge, nous apprenons chez nous à calculer et à nous comparer aux autres (à être premier en classe, à gagner), et cela suscite envie et rivalités. Nous sommes formatés pour être compétitif, performant, pour décrocher un meilleur poste, pour réussir. Et réussir se définit selon les critères de l’économie marchande, avec le profit maximal érigé en absolu. Tout est monnayable, calculé.

Cette sagesse terrestre nous colle à la peau, et elle reste tapie au fond de notre cœur. Pas seulement aux Occidentaux du 21e siècle que nous sommes! Combien de fois pardonnerai-je [à mon frère] ? Jusqu’à sept fois ? demandait Pierre. Lui, un des premiers à avoir tout quitté pour suivre Jésus, à être convaincu par la Bonne Nouvelle du Royaume et à s’engager avec enthousiasme, prêt à donner sa vie, il pose cette question tout humaine! Vous connaissez la réponse en parabole de Jésus: Il en va du Royaume des cieux comme d’un roi qui, …pris de pitié, remit sa dette à un serviteur qui lui devait 10’000 talents, et qui prétendait TOUT rembourser. Et le roi le laissa aller. L’autre jour, ce tableau m’a éblouie comme un éclair et s’est imposé comme la réponse à mon questionnement: une image simple et puissante à laquelle recourir toujours à nouveau pour me rappeler que je suis invitée à vivre la réalité du Royaume au quotidien. Rappel à me brancher et rebrancher sur la sagesse d’en haut et non plus sur la terrestre avec ses calculs, envies, jalousies et rivalités.

10’000 talents, ce sont 60 millions de jours de travail, plus de 150’000 années !… Qui arrive à se représenter ça? Moi pas! On est bien là à un tout autre niveau que la sagesse terrestre, avec ses savants calculs de pertes et profit!

Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te parle (Jn4,10). Le Royaume est régi par la sagesse d’en haut, celle de la grâce inconditionnelle, par amour, avec son économie de la gratuité, de la générosité, du don. Si cela a dû être rappelé à Pierre, le grand apôtre, alors tout n’est pas perdu pour moi qui me laisse parfois entraîner par la sagesse terrestre, voir démoniaque!

Comme les Israélites étaient sauvés de la morsure du serpent en regardant le serpent d’airain, je peux regarder à cette image quand ma sagesse terrestre veut s’imposer dans mon cœur, avec la croix en filigrane: Face au Maître pris de pitié, face au don de la vie-avec-Dieu reçu gratuitement, comment ne pas pardonner? En pensant à ce capital inépuisable de grâce et d’amour reçu, comment puis-je encore m’enliser dans des calculs, envies, rivalités, jalousies, au lieu de revenir toujours à nouveau à cet amour m’y plonger, pour vivre selon la sagesse d’en haut, dans la liberté des enfants de Dieu?

Cette parabole m’invite à ramener mon regard inlassablement sur le don de Dieu, sur la vie, la passion, la croix de Jésus, le Christ. Ce temps de Carême ne nous est-il pas offert pour que nous puissions prendre le temps de contempler le don de Dieu, l’accueillir, le connaître de mieux en mieux? Pour être à l’écoute de la sagesse d’en haut et vivre le Royaume de Dieu au milieu de nous au quotidien?

A toutes et tous, un temps de Carême béni. AMEN.

 

Homélie par le pasteur François de Charrière, 27 février 2020

Homélie par le pasteur François de Charrière, 27 février 2020

Prédication de Matthieu 9, 14-17 et Romains 12, 1-13

 

Si vous êtes gourmands et que vous faites de votre gourmandise l’occasion de préparer un repas délicieux où les convives sont heureux, vous touchez la fine pointe du message de l’Evangile.

Je suis frappé en découvrant les liens gastronomiques entre les deux lectures de ce soir. Les paraboles racontées par Jésus le sont durant des repas et l’épître aux Romain parle de sacrifice qui en réalité est un repas convivial pris avec Dieu et avec tous ses proches. Parler de sacrifice dans l’Ancien Testament, c’est se mettre à table avec Dieu.

Jésus est invité à un repas chez Matthieu qu’il vient d’appeler au bureau des impôts. Et voilà que les critiques fusent. Jésus n’a pas le droit de manger avec les percepteurs et les pécheurs.

Puis, Jésus n’a pas le droit de manger du tout! Car aujourd’hui, dans le passage lu de l’Evangile, c’est jour de jeûne! Il faut y mettre une tristesse pieuse!

Je suis frappé par cette amplification de la critique négative qui se retrouve souvent dans nos entourages…

Et là, Jésus qui se réjouis de la conversion de St-Matthieu amplifie encore la raison de festoyer: «Mais c’est un repas de noces que nous vivons-là!». Revêtez de beaux vêtements car vous êtes des contenants neufs, des réceptacles neufs.

Jésus ne vient pas rapiécer la piété juive, il vient lui offrir un nouveau contenu et nous transforme en nouveau récipient, en nouvelles outres.

Ah, c’est extraordinaire un outre. C’est souple, léger, agréable à tenir. Ce n’est pas dur, rigide ou qui se brise au moindre choc comme une bouteille en verre! Avons-nous un caractère d’outre neuve? Notre piété nous rend-elle rigide ou nous laissons-nous facilement déformer, sans atteinte au contenu, comme quand on appuie sur une outre? Il nous faut devenir des contenants souples.

Le sens de ces deux petites paraboles est que Jésus vient apporter une piété radicalement nouvelle, tournée définitivement vers la joie, la communion fraternelle et l’intimité des noces entre le Christ et son Eglise.

Cette Bonne Nouvelle de Jésus-Christ est présentée en détail aux Romains par l’apôtre Paul durant 11 chapitres et il commence son 12e en disant : «Eh bien, pratiquez-le!» Il le dit ainsi: «Je vous encourage donc à offrir vos corps en sacrifice vivant, ce sera l’aboutissement de votre religion.»

Notre pratique sera complète si elle est sacrifice!! Et j’imagine vos pensées de refus, de crainte et de doute face à ce mot. Or notre vision du sacrifice est totalement étrangère à ce que l’Ancien Testament nous en raconte. D’abord, le mot sacrifice n’existe pas dans l’Ancien Testament. Eh non! Il n’existe pas de mot général pour désigner l’ensemble de ce qui est offert à Dieu comme être vivant, mais il y a une pluralité de sens. Et ces sens ne recoupent jamais une demande de souffrance humaine.

Moïse dit à son peuple: «Vous apporterez vos holocaustes, vos communions, vos dîmes, vos contributions volontaires, vos offrandes votives, vos dons spontanées, les premiers-nés de votre gros et petit bétail. Vous mangerez là devant le Seigneur votre Dieu et vous serez dans le joie, avec votre maisonnée pour toutes les entreprises où le Seigneur ton Dieu t’aura béni.» (Dt 12, 6-7) Voilà qui élargit le contenu du «sacrifice»!

Et dans vos offrandes, il y aura de l’huile, du sel, de la farine, des gâteaux, du pain des épis. Le prêtre n’est pas seulement prêtre, il est aussi cuisinier!

J’espère que vous êtes toujours gourmand et si vous lisez le mot sacrifice dans l’Ancien Testament, traduisez-le par offrande de communion, ce repas où vous tuez un animal et que vous partagez la viande pour être en communion avec Dieu et avec tous ceux qui mangent avec vous dans la joie et la bénédiction.

Offrez-vous corps en sacrifice! Alors nous pouvons découvrir la pluralité des sens tel que le rapporte en particuliers le Deutéronome et quels en sont les différentes fonctions et sens.

Il y avait l’holocauste qui faisait tout monter vers Dieu pour s’assurer de sa présence. Son sens est l’invocation avec un acte d’allégeance ou d’hommage à Dieu. Il a toujours lieu au début d’une cérémonie.

Que nos corps invoquent et montrent la présence de Dieu et l’hommage que nous lui rendons!

Il y avait les offrandes de communion. Elles permettaient de tuer un animal dans le respect des animaux et de Dieu et avait pour but de mettre en communion tous les participants. C’est un repas de paix où personne n’est oublié. On les traduit par sacrifice mais ce sont des repas de fête, de joie de reconnaissance pour les bénédictions.

Que nos corps soient instruments de communion et d’unité dans l’amour et que nous ayons cette ouverture à tous afin que personne ne soit oublié.

Il y avait des rites accomplis avec du sang, soit pour le péché, soit pour une réparation entre deux personnes. Ils contribuent à rétablir la pureté d’un lieu et expier les fautes. Ils attestent aux responsables le pardon de Dieu et assurent la réconciliation. Ces rites avec le sang ne sont jamais pratiqués pour que Dieu soit bon pour nous ou pour apaiser sa colère. Ils sont l’affirmation de la grâce, du pardon et de l’Alliance. Pour sceller l’Alliance, Moïse remplit des coupes de sang et dit: «Voici le sang de l’Alliance que Dieu a conclue avec vous, sur la base de toutes ces paroles». (Exode 24,8).

Que nos gestes assurent aux humains que Dieu les aime, leur pardonne et fait alliance avec eux.

Il y avait enfin les offrandes végétales, avec des pains, des gâteaux, des épis grillés. C’est celui qui est le plus recommandé dans le Lévitique.

Offrez vos corps pour faire, même des repas simples, des moments spirituels, joyeux qui entretiennent l’amitié.

Ainsi nous habillerons le mot sacrifice d’un habit neuf et nous dégusterons le vin nouveau avec les oubliés qui ont fuis nos communautés, alourdis par de fausses représentations sacrificielles.

Amen

Homélie par le pasteur John Ebbutt pour le 16 février 2020

Homélie par le pasteur John Ebbutt pour le 16 février 2020

Genèse 9, 8-17    2 Corinthiens 11,29 – 12, 10  et Luc 8, 4-15 

Tout avait pourtant bien commencé… je m’étais concentré sur les paroles du pasteur, intéressé par son raisonnement, surpris, interpellé par ses premiers mots, captivé par son accroche. Curieux de ce qu’il allait faire des textes bibliques qui avaient été lu. J’étais vraiment attentif, je vous assure. J’avais suivi le développement de sa pensée point par point – je m’étais même dis que je n’aurai pas fait mieux moi-même ! Et puis voilà qu’au bout de quelques minutes, un mot, une idée, une pensée personnelle m’ont d’un coup fait partir d’un coup ailleurs au loin…

Et c’est comme si, à ce moment-là, j’étais resté en arrière, comme si j’avais tout à coup épuisé mon attention pour marcher sur d’autres chemins que celui du prédicateur qui avait pourtant bien préparé son affaire ! Je ne lui jette pas la pierre ! Mais quand je suis revenu au moment présent, j’ai réalisé que je n’avais pas tout suivi…

Expérience toute personnelle qui m’est arrivée récemment !

Expérience qui vous avez peut-être aussi vécue – avec d’autres collègues bien entendu – lors d’autres messages !

Parfois, c’est bien compréhensible : on se sent moins concerné. Ou alors, comme on dit : « on ne sait pas où il veut en venir », et l’on perd le fil – s’il y en avait un ! 

Distrait nous le sommes tous une fois ou l’autre… ce n’est pas bien grave, c’est moi qui vous le dis ! Mais tout cela me fait dire que peut-être comme dans la parabole du semeur, il y a aussi en nous des raisons plus profondes, des causes bien plus cachées qui font que parfois, on s’évade, on passe à côté de l’essentiel, on est pas toujours là où Dieu nous appelle à être.  

A écouter tout simplement.

Dans la parabole, on nous dit qu’il y a trois risques : les oiseaux qui viennent picorer les graines du chemin, le sol pierreux où il n’y a que peu de terre et les ronces qui étouffent tout. Trois manières de perdre ce qui nous a été donné et que Jésus va expliquer en détail. Et ce qui me frappe c’est qu’à chaque fois, ça ne dure pas longtemps. Il y a bien un commencement, mais soit tout disparaît, ou tout sèche, ou tout est étouffé avec le temps.

C’est comme avec mon écoute de prédication : on était bien parti, et puis tout à coup, comme dans le premier terrain, il y a eu un élément extérieur qui m’a fait perdre le peu que j’avais reçu. Ou alors il n’y avait pas assez de racines profondes pour durer. Ou enfin, je n’étais pas vraiment prêt à recevoir quelque chose pour ma vie : tant de ronces, tant de choses qui m’encombrent que tout s’oublie…

Chacun trouvera peut-être pour lui-même ce que peuvent représenter ces terrains. Ce qui vient se perdre, sécher ou étouffer ce qu’il peut y avoir en nous de foi, de confiance et d’espérance. Ce qui fait que souvent en soi, ça ne dure pas toujours très longtemps

Jésus nous offre, et c’est seulement pour cette parabole, une interprétation.

Le diable, l’épreuve, préoccupations, richesses et plaisir…. autant d’obstacles qui distraient notre écoute.

Personnellement je préfère lorsque Jésus nous laisse libre, libre d’interpréter, libre de creuser en chacun de ces terrains ce qu’il signifie pour sa vie.

A chacun donc d’examiner tout d’abord les duretés du chemin, là où l’on passe sans s’arrêter, là où tout est foulé, perdu, ignoré, en retrait, mis de côté.

Là où peut-être l’on est imperméable… là où se ferme notre sensibilité, nos tendresses, nos élans de compassions, là où l’on se croit à l’abri, avec ses certitudes que plus rien ne vient retourner, avec nos masques, nos habitudes où l’on marche, de long et en large, comme sur un chemin trop emprunté.

Est-ce que la parole reste extérieure, parce que trop entendue ou alors pas assez travaillée ? Jésus nous dit qu’il y a un mal en ce monde, un mal qui nous divise, nous détache, nous rend étranger à nous mêmes. Et c’est cela qui est un risque : celui de ne plus savoir qui l’on est : une terre qui a besoin pour vivre de graines vivantes. Au lieu de nourrir les oiseaux nous avons besoin d’une Parole qui nous aide à grandir à la stature du Christ. Premier terrain

Le deuxième, c’est le sol pierreux. Nos émotions passagères, nos bonnes résolutions, nos joies vraies mais qui ne nous accompagnent pas dans les difficultés, car nous avons la mémoire courte et le doute présent… et il y a tant de choses qui nous pèsent, qui sont lourdes comme des pierres de taille !

L’éphémère qui passe et ce qui est toujours là comme un obstacle : les poids du passé, nos héritages mal digérés, nos tristesses et nos deuils insurmontés, nos fatigues et nos désillusions, et peut-être secrètement nos déceptions. Ca pèse lourd oui, au final. Les pierres, elles devraient plutôt servir à monter un mur plutôt qu’à rester en plein champ. Un mur pour protéger, apprendre de nos expériences plutôt que subir. Etre libéré plutôt que supporter, souffrir, se blesser avec des cailloux tranchants. Deuxième terrain.

Le troisième avec ses plantes épineuses dit bien ce qui envahit et étouffe si on y prend pas garde. C’est le champ de la négligence, de la fidélité remise à hier, de ce qui souvent, sans qu’on y prenne garde, prend la place d’un commencement, d’une promesse, d’une fraicheur… Et voici que la foi s’émousse, qu’elle n’est plus aussi vive, habituée à de subtils compromis, à des arrangements avec nous-même, des relâchements, des paresses aussi, pourtant si agréables, qui nous font tant de bien ! 

En chacun de ces champs il y a une écoute, mais elle ne permet pas de durer vraiment, car pour cela il faudrait se laisser toucher en s’arrêtant dans un présent, pour cela il faudrait enlever tout ce qui a pu s’accumuler au fil du temps dans un passé qui nous rattrape sans cesse, pour cela il faudrait débroussailler pour un futur à germer.

Alors le quatrième champ est-il celui qui miraculeusement serait là tout donné ?

N’est-il pas plutôt le fruit d’un travail, parfois épuisant, à toujours recommencer, qu’on en a jamais fini, qu’il restera toujours une pierre oubliée, une ronce cachée, une motte qui ne s’est pas cassée.

Notre écoute est si vite distraite… et j’espère que vous me suivez toujours !

Dans notre parabole il y a la distance, ce qui nous encombre, et ce qui nous distrait.

Mais il y a aussi une belle terre, humide, grasse, retournée, une belle image qui pour moi dit d’abord ce qui est aéré, ce qui est espacé, ce qui est ouvert

Ainsi c’est aussi le vide qui est aménagé pour recevoir les graines, c’est un terrain fertile qui n’est pas encombré.

Une parabole pour notre temps parfois si saturé.

On ne peut tout vivre, tout comprendre, tout garder en soi à la fois

Pour accueillir la parole il faut forcément se débarrasser, faire place nette, jeter, trier, laisser derrière soi. Il faut savoir se défaire.

Il y a une belle expression qui dit « un cœur travaillé par la prière ». Et l’on voit bien ce cœur où la prière a pu s’implanter, mais on pourrait ajouter aussi travaillé par l’attention, le service, la foi, le silence, la méditation, le temps que cela pousse mystérieusement.

Car si les épis lèvent c’est qu’ils ont aussi traversé les jours et les nuits, parfois l’hiver si l’on a semé en automne, la pluie et le soleil comme en arc-en-ciel d’Alliance. Oui, ce n’est pas instantané. La bonne terre a pour elle le temps qui passe, parce que la parole n’est pas dérangée, concurrencée, bousculée. Elle a pour elle nos faiblesses comme le dit Paul. Ce sont nos mains ouvertes qui rendent grâce et qui s’attendent à tout.

Il y a une tranquillité qui permet à la nature de faire son travail, comme à Dieu d’agir en son temps.

Souvent on imagine que l’on peut tout avoir à la fois. Les trois premiers terrains, et que ça poussera quand même, parce que la parole de Dieu est la plus forte. Dans la parabole au contraire, on réalise qu’elle est fragile. Que le grain peut se perdre, disparaître sitôt levé, être à la merci de ce qui peut lui arriver.

Dieu dit une parole d’avenir, une parole d’espérance à l’intérieur de ma vie. Une parole qui me relie aux autres, puisqu’elle fait naître des épis chargés de grains de communion dans la joie du travail effectué. Cette parole, elle est exigeante, puisqu’elle demande tout de soi. Mais lorsqu’elle a trouvé un terrain favorable, alors je veux croire qu’elle m’apprend à prolonger mon écoute jusqu’au bout, jusqu’au plus profond de mon être pour que les racines puissent entendre un…

Amen !

Homélie par le pasteur Jean-Louis L’Eplattenier pour le 2 février 2020

Homélie par le pasteur Jean-Louis L’Eplattenier pour le 2 février 2020

Mal. 3, 1-4 – Col. 1, 9-20 – Luc 2, 22-40

La fête, d’aujourd’hui, porte trois noms : « la présentation au Temple », « la Rencontre » et « la Chandeleur ».

Fidèles à la piété juive, Joseph et Marie montent au Temple de Jérusalem pour présenter leur enfant à Dieu : ce moment essentiel est significatif où les parents se dessaisissent de leur droit de propriété sur l’enfant : ils le confient à la vie qui lui a été transmise, la sienne propre maintenant, et ils le vouent à Dieu, transmettant le relais au Maître de la vie. Ils demeurent ses parents, responsables, d’ailleurs il est dit qu’à 12 ans, au retour de Jérusalem – ses parents l’ayant retrouvé – il leur obéissait.

J’aime les mots que le pasteur Fr. Lindegaard met sur les lèvres de Jésus à ce moment-là, au milieu des docteurs :

  • « Dis-nous, petit, comment s’appellent tes parents ? »
  • « Mon Père est celui qu’on ne peut nommer, Son nom est trop grand pour une bouche. Je suis également fils de Joseph et de Marie » …… « et quand mes parents viendront, je les suivrai » !

Nous célébrons donc la Rencontre ; celle de deux couples atypiques :

Siméon : la seule chose qu’on sache de lui, c’est qu’il est un saint homme, à la relation privilégiée avec le Saint-Esprit ; à l’évidence, il est vieux.

D’Anne, on en sait davantage et surtout qu’elle est vieille et veuve, donc pauvre parmi les pauvres, n’ayant plus sa place dans la société. Elle est prophétesse, alors c’est à Dieu qu’elle offre son cœur et sa voix.

Et bien sûr, Joseph et Marie, avec Jésus ; eux aussi sont des pauvres ; ils n’ont que deux tourterelles à offrir en sacrifice.

Mais de cette fragilité, l’Esprit Saint fait une rencontre au sommet, l’étape charnière de l’histoire de Dieu avec l’humanité, dont les deux couples sont le symbole, où la grâce transfigure la loi et engendre l’ère nouvelle.

Marie confie Jésus à Siméon. On aime entendre que Jésus est accueilli par Siméon qui le reçoit, pour éviter de dire « qu’il le prend ». On n’est pas dans un lieu d’accueil où deux vieux s’attendrissent devant un nouveau-né, mais face à une parabole exprimant le corps à corps, le cœur à cœur du combat de la foi ; = ça n’a rien de sentimental. Siméon n’arrache pas Jésus à Marie qui n’est certainement pas montée au Temple en tenant Jésus au bout des doigts ; c’est un nouveau-né, il a 40 jours mais il n’est pas une plume. Alors, je préfère entendre ce que disent les mots de l’Évangile = « Siméon prend Jésus dans ses bras recourbés (terme grec). C’est un mouvement, un corps à corps charnel et vigoureux, simplement humain, et, c’est aussi de ses yeux de chair que Siméon voit, dans ses bras, « le Salut pour tous les peuples, la Lumière pour les nations, et la Gloire d’Israël ». C’est immense et ce n’est pas un rêve.

Si les yeux du cœur sont sollicités chez Siméon, pour discerner, en cet enfant, le cadeau de Vie et d’Amour que Dieu fait à l’humanité entière, et inspire sa louange, celle d’Anne et l’étonnement de Joseph et de Marie, cette louange demeure, elle aussi, très incarnée : elle s’accompagne de l’évocation de la ténèbre qui demeure active, des perturbations qu’engendre la vie de Jésus, de l’épée qui ne cesse de transpercer l’âme du monde et de l’Église.

Porter et apporter le Christ, ce n’est pas de l’histoire ancienne, c’est notre aujourd’hui de Dieu, c’est l’envoi lié à notre baptême, c’est reconnaître le visage du Christ dans celui de l’autre, c’est rendre à notre cœur son identité de temple de Dieu : « vous êtes le temple de Dieu et l’Esprit Saint habite en vous », dit Saint Paul (1 Cor. 3, 16).

Le temple de Dieu, nous qui allons être visités par l’Eucharistie, est ouvert à cette présence de Jésus : toucher, voir, sentir, goûter, être habité par l’Esprit du Père et du Fils, c’est le bonheur d’éternité auquel nous aspirons tous, dont nous avons un avant-goût, et qui fait dire à Siméon, qui a vu parce qu’il a cru, contrairement à Thomas : « laisse ton Serviteur s’en aller en paix ».

Cet évangile a été proclamé et prêché, ici, il y a un mois, peut-être aurez-vous donc entendu deux fois la même chose. Mais ce que mon collègue n’aura pas évoqué, c’est la troisième facette de cette célébration, nommée la Chandeleur !

On vit et on se réjouit aussi de symboles et de traditions populaires (et de dictons), Cette troisième fête est très prosaïque : la Chandeleur, ainsi nommée, parce qu’on portait à la main des chandelles allumées en l’honneur de la Vierge Marie pour fêter ses relevailles.

A l’origine, c’était une fête païenne de la mythologie romaine, qu’un pape du 5ème siècle a christianisée ; et, si le bonheur de la Chandeleur est de confectionner et de manger des crêpes, c’est que ces galettes, rondes et dorées, évoquent le soleil, le Soleil levant, venant en ce monde, le Christ, « Lumière pour les nations ».

Peut-être est-ce, au delà de la légèreté du symbole, un clin d’œil du Ciel nous rappelant que le Christ, Lumière du monde, ouvre notre cœur à sa Lumière, pour le rendre fécond et le réjouir, afin que, selon l’exhortation de l’apôtre, nous ayons part à l’héritage des saints dans la Lumière.

Amen

Homélie par le pasteur Marc Balz, 26 janvier 2020

Homélie par le pasteur Marc Balz, 26 janvier 2020

Convertissez-vous : le Règne des cieux s’est approché proclame le Christ

Es 9, 1-3
1 Co 1, 10-17
Mt 4, 12-22

J’aimerais commencer par 3 exemples d’actualité.

Ces temps, le secteur bancaire et certaines grandes entreprises opèrent ces temps des conversions incroyables : les investissements deviennent verts et durables, le Forum de Davos en a fait son thème. Est-ce sincère ou forcé ? S’agit-il d’un green washing intéressé parce qu’il y encore plus à gagner dans les énergies renouvelables, ou une prise de conscience fondamentale et irréversible ? On se pose la question. Et qu’en aurait pensé celui dont la première parole est « convertissez-vous » ?

Voici 10 jours, les médias suisses parlaient de l’ancien directeur de la banque d’Angleterre Mark Carney, usé par une tâche harassante et qui n’avait plus de sens pour lui. Il avait déclaré publiquement : Les grandes firmes qui ne s’engageraient pas pour le climat sont vouées à disparaître.

Il vient de tout plaquer pour devenir bénévole à l’ONU, en tant qu’envoyé spécial pour le climat. Il gagnera 1$ par an (vu ses précédentes fonctions, on se dit qu’il avait peut-être des réserves), mais – et c’est cela qui est important – il se réveillera le matin sans doute plus en paix et en retrouvant du sens à sa vie.

Il s’agit certainement d’une forme de conversion, on devrait dire « laïque ».

Enfin, de plus en plus nombreuses sont les personnes qui réalisent que leur vie ne plus plus continuer ainsi vu l’état de la planète, vu les non-sens de leur activité, et elles changent. Parfois modestement, en faisant ses propres produits d’entretien, en recyclant tout ce qui peut l’être, en renonçant plus ou moins à manger de la viande, à prendre l’avion, ou un portant aussi des habits plus usés qu’avant. Des changements louables, certes, mais s’agit-il de conversion au sens où Jésus le proclame ?

Et nous qui sommes ici, fidèlement parfois depuis très très longtemps. Quelle conversion sommes-nous appelés à faire ? N’y a-t-il pas longtemps que nous nous sommes convertis ? Et peut-être avons-nous été toute notre vie fidèle au Christ. Comment dès lors nous convertir encore ?

« Convertissez-vous : le Règne des cieux s’est approché (avant d’ajouter personnellement à 4 d’entre eux) : Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes.

Une chose me paraît claire : ceux auxquels s’adresse Jésus sont croyants. Comme nous. La conversion n’est donc pas ici, ni pour eux ni pour nous probablement, le passage de la non foi à la foi, comme si on avait dit « avant, je ne croyais en rien et maintenant je me suis converti ». Il s’agit d’autre chose. Alors quoi ?

Convertissez-vous, metanoeite en grec. Meta, ce qui dépasse, qui met au-dessus et noéô : percevoir, penser : ce mot parle d’un changement de niveau de pensée. Pour Jung, cela désigne une transformation de la psyché, une guérison, une transformation complète de la personne. Peut-être pourrait-on parler de retournement de tout l’être, de mutation, de révolution intérieure, ou même de coup de foudre ? Dans tous les cas, Jésus nous appelle à un changement de niveau, à aller plus haut, ou plus profond, ou tous les deux à la fois. Nous sentons bien qu’il ne s’agit pas de cosmétique, de green washing spirituel, mais d’un volte-face qui n’est jamais achevé.
Convertissez-vous, shuv en hébreu, se tourner.

Dans le Psaume du bon berger, on lit au début « Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien. Il me fait coucher dans les verts pâturages, il me dirige vers les eaux paisibles. Il restaure mon âme » (Nafschi ieshovev, justement ce verbe shuv, se convertir, apparaît ici) La meilleure traduction que j’aie trouvé, mot à mot, dit « il fait revenir mon être » ! Voilà la clé.

Convertissez-vous : le Règne des cieux s’est approché. Jésus dit en quelque sorte : Dieu est maintenant présent pour toi, sa présence fait revenir ton être tout entier. La présence de Dieu fait irruption ici et maintenant pour toi, pour que ton être entier, ou des parts de celui-ci, qui étaient perdues, ou éparpillées aux 4 vents, reviennent.

Cette conversion à laquelle il nous appelle est bien plus qu’un demi-tour : c’est un profond changement de niveau, une unification de notre être. Tout un chemin s’ouvre alors, conscient, vivant, humble. Ils laissèrent leur barque et leur père, et le suivirent….

Amen.