Prédication de la pasteure Béatrice Perregaux-Allisson, le 6 octobre 2024

 Prédication de la pasteure Béatrice Perregaux-Allisson, le 6 octobre 2024

Gn 2, 18-24
Mc 10, [1.]2-16
He 2, 8b – 11

Chères sœurs, chers frères,

Voilà un texte pas facile. J’imagine que nous connaissons toutes des couples où l’un ou l’autre conjoint, ou les deux, sont des personnes divorcées. Et où il semble apparaître’ que ce nouveau couple est, sur la durée, une bénédiction, tant pour les conjoints que pour les personnes qui les entourent. Une bénédiction ou même une louange si je reprends la citation de Calvin qui disait qu’« un homme heureux est une louange au Seigneur » qu’il me semble aujourd’hui tout-à-fait judicieux de transposer aussi à « une femme heureuse est une louange au Seigneur ».

Or donc, que faire avec cette phrase « Si quelqu’un répudie sa femme et en épouse une autre, il est adultère à l’égard de la première ? ».

Moins méditative, ma prédication aujourd’hui prendra plus les traits d’une étude biblique. C’est peut-être un peu rude au point du jour un dimanche matin, mais c’est ce qu’il me semble le plus intéressant de vous apporter.

Tout d’abord, le contexte littéraire : Nous sommes dans la seconde partie de l’évangile de Marc (dès 8,22). Après la présentation et les miracles qui campent Jésus comme quelqu’un qui a autorité sur les démons, les éléments de la nature, Jésus vient d’annoncer sa Passion : une fois, deux fois. Il annonce à ses disciples qu’il va mourir et ressusciter. A chaque fois, les disciples ne comprennent pas la portée de ce qu’il partage, la souffrance, l’abaissement qu’il révèle, … : lors de la première fois, Pierre le rabroue. Lors de la deuxième, les disciples se querellent pour savoir qui est le plus grand parmi eux.
Alors que Jésus parle de sa mort, du don de sa vie, ses disciples se concentrent sur le paraître, les rôles, les honneurs ou les privilèges.

« Partant de là, Jésus va dans le territoire de la Judée, au-delà du Jourdain », c’est pour Jésus dans le récit’ comme quand d’autres traversent le Rubicon : il franchit une limite et prend résolument le chemin de Jérusalem.

Les disciples ne comprennent pas, disions-nous, et pourtant ils le suivent. « suivre » est un terme qui chez Marc caractérise l’essence du disciple, et donc du croyant aujourd’hui. « Qui est Jésus, vriament ? » (8,27ss) et « Comment le suivre ? » (8,34ss) sont les thèmes de cette deuxième partie de l’évangile. Et dans cette fresque générale du chemin vers Jérusalem, de la Passion qui se profile, autour de ces deux thèmes vient notre texte qui parle de deux sujets que l’on trouve souvent dans des enseignements éthiques : le mariage et les enfants.

Quelle est la nouveauté ou l’orientation particulière de Jésus sur ces sujets ?

« Est-il permis à un homme de répudier sa femme ? » (10,2). Les Pharisiens savent la réponse : ils la donnent juste après : oui, avec une lettre de répudiation.
La lettre de répudiation à l’époque protégeait la femme, pour qu’en cas de remariage, elle ne soit pas accusée d’adultère.

Mais ce qui est intéressant ici, c’est le déplacement qu’opère Jésus : les Pharisiens demandent ce qui leur est permis ; ils cherchent à clarifier l’étendue de leurs privilèges. Jésus renvoie au but de cette permission. Oui, il est bon qu’il y ait cette règlementation, c’est une manière de tenir compte de la vie et de notre humanité : de tenir compte de la vie, voire de la souffrance, de la violence, et des échecs, c’est ce qu’il appelle la « dureté de votre cœur ».
Et en même temps, Jésus déplace la question vers les deux références de la Genèse qui rendent compte de ce mystère humain et naturel d’un couple qui se forme. Il renvoie à ce qui nous fonde, à ce qui était « au commencement du monde », à ce passage qui dit qu’il y a eu des relations qui ont permis de grandir (père mère) ; de nouvelles relations qui se forment : « l’homme quittera son père et sa mère et les deux ne feront qu’une seule chaire ».
Oui la relation du couple est importante, fondamentale pour une société et oui, il est bon de la protéger.
Et si dans la Bible, on a pris la relation entre l’homme et la femme pour dire la relation entre nous et Dieu, Dieu sait comme elle peut aussi être difficile et comme il peut être structurant, libérateur et précieux de savoir compter sur la fidélité, la bonté fidèle de l’autre/ Autre.

J’ai envie de revenir à la phrase de la Genèse que cite Marc : « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme » (Gn 2,24).
C’est peut-être l’âge de mes enfants qui me rend particulièrement sensible à ce passage d’une ‘relation qui fait référence’ à une nouvelle relation qui devient la référence première : de la relation aux parents à celle avec le compagnon choisi.
J’ai toujours été frappée par ce verset qui va à l’encontre d’une bonne partie de notre culture. On m’a dit que cela pouvait être la trace d’une époque matriarcale. Toujours est-il que dans ce texte, c’est bien l’homme qui quitte son père et sa mère’ et non la femme. C’est l’homme qui change de famille et se rattache à celle de son épouse.

C’est parce que j’ai toujours été intriguée par cette phrase que j’ai été suprise de constater que dans la manière dont Marc la cite, il change l’homme – masculin (isch « Mann » – comme dans la Bible hébraïque en Genèse) en homme – l’être humain (‘anthropos’ – « Mensch ») .
Et plutôt que de reprendre « et ils deviennent une seule chair », il met « et les deux deviennent une seule chair » [Deux remarques pour ceux qui aiment l’exégèse : Mc reprend la version de la LXX, tant pour anthropos que pour « les deux ». Le bout de phrase dans Mc « et il s’attachera à sa femme » semble être un rajout par souci d’harmonisation ; il n’est pas retenu par de nombreux mss].

Ce souci d’une attention égale aux deux membres du couple se retrouve dans l’enseignement que Marc, et lui seul – Matthieu ne l’a pas repris – donne à ses disciples en privé : « Si quelqu’un répudie sa femme et en épouse une autre, il est adultère à l’égard de la première ; et si la femme répudie son mari et en épouse un autre, elle est adultère. » (11.12)

Deux surprises pour l’époque :
La première est que l’homme peut être adultère par rapport à une femme – si cela peut nous sembler aujourd’hui le bon sens même, puisque la femme est autant touchée par l’adultère de son conjoint que l’inverse. Il faut savoir qu’à l’époque de Jésus, la formule du mariage était « je te mets à part pour moi » et cette formule n’était prononcée que par le mari. Le mariage faisait partie du droit des choses et la femme changeait de propriétaire.
La deuxième surprise pour le contexte juif de l’époque va dans le même sens : une femme peut répudier son mari. Et non seulement cela, les conséquences sont exactement les mêmes, la phrase est citée exactement de la même manière : « Si quelqu’un répudie sa femme et en épouse une autre, il est adultère à l’égard de la première ; et si la femme répudie son mari et en épouse un autre, elle est adultère. »

Ces différents éléments me mènent à penser que la pointe de ce texte n’est pas la question de savoir s’il est permis de se remarier une fois divorcé·e, mais qu’il en va bien plutôt de nouvelles relations, équitables, où chacune, chacun est reconnu·e avec les mêmes droits et devoirs. C’est une critique en règle d’un patriarcat où certains, de par leur genre, leur naissance, leur origine s’arrogent des droits, des privilèges, se permettent de traiter l’autre comme inférieur.

Et ce renversement-là se poursuit dans le texte avec le passage sur les enfants : les disciples rabrouent les enfants et ceux qui les amènent à Jésus. Et Jésus s’indigne : juste parce qu’ils seraient des adultes, juste parce qu’ils seraient des disciples, ils se permettent de repousser les enfants ! C’est le contraire de ce que Jésus vient d’expliquer ! « Le Royaume des cieux est à ceux qui sont comme eux » et « en vérité, qui n’accueille par le Royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera pas ». L’enfant à cette époque ne peut s’arroger aucun droit, ne peut prétendre à rien. L’enfant qui ne connaît pas encore la thora, n’avait à l’époque, aucun mérite à faire valoir devant Dieu. L’enfant fait de la place à l’autre et Jésus nous invite à lui faire la place. Jésus le bénit.

Et c’est ainsi que notre péricope s’insère dans et fait écho à la 2e partie de l’évangile de Marc où se dessine une nouvelle manière de vivre ensemble, en famille, en communauté et en société. Une nouvelle manière qui mène dans les paradoxes du pouvoir : là où le dernier est le premier ; ou le grand est serviteur et l’esclave de tous (10,42ss) .

La question passera donc plutôt de « suis-je adultère si je me remarie ? » à « est-ce que j’accepte de laisser tomber mon orgueil ? » « Est-ce que j’accepte l’échec de ce que tous deux nous avions compris comme appel ? » « Suis-je prêt, prête à accueillir la miséricorde et la grâce de Dieu ? »
Et puis : « Comment est-ce que je veux dorénavant vivre et faire vivre des relations sans utiliser mon genre, mon origine, mon rôle, ma fonction pour dominer l’autre ? »  « Suis-je prêt/ prête à renoncer à mes privilèges (cf. 9, 33-37 ; 9, 38ss ; 10,35ss) pour me mettre à la suite du Christ ? » « Est-ce que je vais vivre et favoriser des relations d’égal à égal, en mettant au centre les plus faibles (9,36) ? », « voir même me faire serviteur en renonçant aux premières places (10,44) ? ».

Et ne nous trompons pas : il s’agit là d’un programme subversif qui met en question e monde et les pouvoirs établis. Mais un programme aussi qui annonce les temps messianiques. Ceux que nous sommes invités à expérimenter déjà avec ceux et celles qui sont nos prochains.

Et là, tout d’un coup, ce texte sur le mariage et les enfants nous concerne toutes et tous, nous met en chemin à la suite du Christ, comme disciples, en direction de Jérusalem.

Homélie du pasteur François Caudwell, le 3 octobre 2024

Homélie du pasteur François Caudwell, le 3 octobre 2024

Prédication Grandchamp
3 octobre 2024
Romains 3,9-12.19-21 / Luc 8,22-25
J’ai dans mon bureau une petite icône, acquise à Grandchamp il y a quelques années, qui représente l’épisode de la tempête apaisée. Elle m’a été précieuse dans des temps d’inquiétude. J’aimais la sérénité confiante de Jésus endormi, et sa force tranquille capable d’apaiser nos tempêtes. Elle m’a aidé à retrouver un peu de paix intérieure.
Cependant, les textes qui sont proposés à notre méditation lancent un appel plus pressant. Loin de se limiter à nous tranquilliser, ils nous bousculent. Oui, l’apaisement de la tempête nous remue ! Car ces textes révèlent aussi la détresse de notre condition humaine, et interrogent notre foi en Jésus. Ce soir, c’est la foi qui est en question ; c’est le salut qui se manifeste !                                                                                          
Dans l’épître aux Romains, Paul cherche à faire comprendre à ses correspondants que le salut est hors de leur portée. Nous retrouvons là ce que j’appelle le réalisme biblique : une description de la société humaine, sans édulcoration, sans concession. La société, à laquelle appartenaient les premiers chrétiens de Rome, à laquelle nous appartenons nous aussi : un monde qui marche dans les ténèbres, qui s’auto-détruit, qui, dans sa folie perverse, court à la catastrophe. Un monde dont nous sommes tous responsables.
Paul évoque ce monde avec la Parole de Dieu. Il montre ainsi que cette situation n’est pas ignorée du Seigneur. Et il cite, il accumule les citations, sans contextualisation, de manière imprécise, les unes après les autres : les Psaumes 14, 53, 5, 140, 10, 59, 36 ! Exactement ce que ne devrait pas faire un théologien sérieux ! Tout cela pour affirmer : Il n’y a pas de juste, pas même un seul… Ils sont tous dévoyés. (Rm 3, 10-12)
Paul veut démontrer la force, la vérité de cette Parole. Et il garde confiance : elle peut atteindre sourds et aveugles. Pour les sourds et les aveugles, perdus dans la nuit du péché, Dieu fera alors briller sa lumière et retentir son salut : la justice de Dieu a été manifestée ! (Rm 3,21)
Dans nos perversions, nos injustices, nos violences, nos impiétés, nos impuretés, un Témoin s’est levé, porteur de l’accomplissement des promesses de l’Éternel. Les apôtres apprennent à le découvrir, dans la personne de leur compagnon de route…
Luc, avec les autres évangélistes, nous relate un miracle étonnant. La tempête apaisée est un prodige contre les forces de la nature, qui défie toute explication rationnelle.
Cette dimension du miracle, qui dépasse l’entendement, nous invite à quitter nos sécurités raisonnables, et à entrer dans le mouvement de la Révélation, à nous mettre à l’écoute de ce que la Parole de Dieu veut nous faire comprendre. Il convient de dépasser le spectacle, pour capter quelque chose de ce que le Seigneur nous signifie.
Tout se passe bien dans ce récit tant que Jésus prend part à la navigation avec ses disciples. C’est quand il s’endort que se déclenche la tempête. Comme s’il y avait une relation de cause à effet. Quand Dieu se retire, le mal se déchaîne.
Nous ne savons pas toujours pourquoi Dieu se retire, mais il nous arrive de faire l’expérience d’une absence – qui sait d’ailleurs si, parfois, ce n’est pas nous qui laissons Dieu de côté ?… Cette expérience s’exprimait déjà dans les prières de la Bible : Réveille-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur ? Sors de ton sommeil, ne rejette pas sans fin ! Pourquoi caches-tu ta face et oublies-tu notre malheur et notre oppression ? (Ps 44,24-25) Combien de détresses pourraient encore aujourd’hui s’exprimer dans cette prière ?
En peu de mots, Luc décrit la violence de l’événement : tourbillon, vent, vagues, danger… La tempête semble profiter du sommeil de Jésus, du silence de Dieu. Cependant, il est bien là ; il n’a pas quitté le navire. Jésus n’abandonne pas ses disciples, même et surtout quand la tempête se déchaîne.
Les Psaumes de la Bible évoquent ces flots tumultueux : Dieu, sauve-moi : l’eau m’arrive à la gorge… Je coule dans l’eau profonde, et le courant m’emporte ! (Ps 69, 2-3) Ces eaux désignent les puissances du mal, les forces qui détruisent l’humain. Les hébreux avaient peur de l’eau. Leur foi se fondait sur la victoire de l’Éternel sur la Mer, quand ils étaient sortis d’Égypte. Dieu seul est celui qui peut nous délivrer, nous retirer des grandes eaux (Ps 18,17).
Derrière la tempête, pour les disciples, il n’y a pas que le danger de la navigation. Ce sont des puissances qui se déchaînent contre eux, et qui s’en prennent même à Jésus qui est avec eux. Alors Jésus, comme pour chasser un démon, menace ces puissances (cf. Lc 8,26). Nous retrouvons ici ce dont parlait l’apôtre Paul : les humains sont submergés par le mal. Ils sont incapables d’y résister. Et pour eux ce mal, sans le secours de Dieu, conduit à la mort : Maître, maître, nous périssons ! (Lc 8 , 24)                                                    
Aujourd’hui, notre vie, notre monde sont éclaboussés par les vagues déferlantes de tempêtes : l’angoisse, le désespoir, les injustices, les pauvretés, les exils, les guerres, les pollutions… Nous crions à Dieu, et il nous semble parfois qu’il dort profondément.
Et pourtant, c’est dans ces tempêtes que nous sommes invités à découvrir sa présence…
Dans cette catastrophe expérimentée par les disciples de Jésus, il y a son réveil (Lc 8 ,24).
Le sommeil de Jésus, son immobilité, et même sa mort, Luc nous les fera découvrir encore une fois, un peu plus loin dans son Évangile, sur la croix. La vision d’un Maître apparemment incapable de sauver quand le mal se déchaîne : Il en a sauvé d’autres. Qu’il se sauve lui-même s’il est  le Messie de Dieu, l’Élu! (Lc 23,35)
Mais dans la tempête comme sur le Golgotha, il n’a pas quitté son poste. Il était plongé dans l’abîme des détresses humaines, dans les flots de nos misères, sous les vagues de nos péchés et de nos cris. Sa présence restait celle de l’ami fidèle et confiant : Père, entre tes mains, je remets mon esprit (Lc 23,46). Ainsi s’exprimait sa foi, cette foi de Jésus Christ (Rm 3,23 : dia pistewj Ihsou Cristou), cette foi qui porte le salut.                                                                                     
Jésus se réveille dans la barque : Il menaça le vent et les vagues : ils s’apaisèrent et le calme se fit (Lc 8,24). Il se réveillera aussi du sommeil du tombeau. Vainqueur du péché et de la mort, il se révélera le Sauveur de ce monde entier, reconnu coupable devant Dieu (Rm 3,19). C’est aussi cela que préfigure le récit de la tempête apaisée.
En le rédigeant, Luc n’a pas voulu nous offrir seulement une lotion apaisante, une tisane pour calmer nos angoisses, et nous permettre de dormir paisiblement, comme Jésus sur son oreiller (cf Mc 4,38). Luc ne recherche pas notre sommeil, mais notre réveil ! Notre réveil par la foi…
Une foi qu’il vient susciter, re-susciter en nous. Comme pour les disciples qui voient le sauvetage opéré par Jésus, et qui s’émerveillent  (eqaumasan : Lc 8,25). La peur laisse place à une stupéfaction, un émerveillement.
Voilà où apparaît maintenant leur foi (pistij). Elle n’est pas une œuvre de plus, un acte de bravoure, pour acquérir leur salut. Elle ne dépend pas d’eux. Elle est un éblouissement devant l’œuvre du Seigneur. Désormais, en ce qui nous concerne, elle consiste à accueillir, au milieu des ténèbres, la lumière de la résurrection, la joie d’un salut offert, par le Christ seul.
La petite icône de Grandchamp montre dans la barque Jésus endormi, et aussi Jésus réveillé et bénissant. Dans cette barque, au milieu des disciples, sont représentés deux Jésus !
Ingénieuse expression de la réalité qui est la nôtre, dans un monde qui n’est pas encore le Royaume de Dieu, et qui reste secoué, menacé, par des tempêtes de toutes sortes. Où Dieu semble lointain, endormi. Mais où, dans les pires détresses de notre vie ou de l’humanité, le Christ reste présent et nous invite à garder confiance.
Il est le Crucifié, qui souffre et qui meurt avec nous, pour nous. Mais le Crucifié est ressuscité. Il est aussi Celui qui s’est réveillé de la mort, qui est avec nous, pour nous, le Vainqueur des puissances destructrices.
Émerveillés, nous plaçons en lui notre confiance. Il est le Témoin de la justice de Dieu (Rm 3,21). Il est capable de sauver ceux qui périssent. Amen
Homélie de la pasteure Aline Lasserre, le 29 septembre 2024

Homélie de la pasteure Aline Lasserre, le 29 septembre 2024

Prédication anges, Daniel 10, 4 à 14. Apparition du Fils de l’homme à Daniel, fils de l’homme aidé par Michel. Apoc 12, 7 à 12 a, victoire de Michael sur le dragon, projeté sur terre. Jean 1, 47 à 51, Jésus dit à Nathanaël qu’il verra avec d’autres les anges monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme.

Ce dimanche de la fête des anges, c’est aussi un peu notre fête à nous, puisqu’il arrive que Dieu se serve aussi de nous-humains pour être ses anges.
Je ne pensais pas retrouver si vite l’ange Michel rencontré en l’église St-Michel d’Aiguilhe en fin juillet. Au retour de nos vacances, nous avons fait halte au Puy en Velay, en compagnie de Cloé notre petite-fille de 7 ans. Je ne sais pas si vous connaissez cet endroit. Sur un piton rocheux, reste d’un volcan, se dresse une église romane qui abrite une grande stature de l’ange Michel. Pour accéder à l’église, il faut monter le grand escalier de 269 marches, Cloé montait puis redescendait allègrement en m’encourageant et finalement en m’annonçant : il ne te reste plus que 26 marches. En y repensant, je me dis que cette petite-fille nous apportait qqch de l’ange, non pas faisant l’aller-retour sur une échelle mais le long d’un escalier, un petit ange émerveillé, qui commentait joyeusement les alentours en nous invitant du coup à l’admiration qu’offre le regard d’en haut.
Entrés dans l’église, nous avons bien sûr allumé une bougie et prié Dieu auprès de ce grand ange en bois tout revêtu d’or et de sa lance terrassant le dragon, non loin de lui se tenait le Christ, nous rappelant le lien entre les anges et Dieu.

Cet ange Michel ou Michael-dont le nom signifie qui est comme Dieu ? – nous le retrouvons évoqué dans les textes que nous avons lus ce matin, trois fois Michel est mentionné dans la Bible, dans le livre de Daniel, dans l’épître de Jude et dans l’Apocalypse. Dans le livre de Daniel, il est présenté, dans le passage que nous venons d’entendre, comme l’ange qui a vaincu l’ange de Perse, venant ainsi en aide au Fils de l’homme qui apparaît à Daniel. L’écrit de Daniel vient annoncer à son peuple asservi d’abord par les Babyloniens, puis les Perses, puis les Grecs qu’il n’en sera pas toujours ainsi et que sa libération approche.
Dans l’Apocalypse, nous retrouvons l’ange Michaël qui combat le dragon, symbolisant le mal qui se trouve vaincu et projeté sur terre. Pour l’Eglise persécutée, et aussi pour nous croyants, c’est annoncer ainsi le mal vaincu, même s’il est encore agissant sur la terre. Par l’offrande de sa vie, le Christ a anéanti le mal et c’est ce que célèbrent dans la joie, les croyants martyrs qui se retrouvent au ciel, lieu sûr de la présence de Dieu seul, sans mal.
C’est aussi le travail des anges que de nous faire connaître cette souveraineté de Dieu sur le mal. D’abord en réconfortant les humains que nous sommes. Quand Jacob s’est enfui de chez lui, après avoir mal agi en trompant son père et recevant la bénédiction qui revenait à son frère aîné, Dieu lui apparaît en songe et lui fait voir le ciel ouvert, c à d sa présence proche. Jacob voit les anges sur une rampe, monter et descendre, aller et venir du ciel à la terre et de la terre au ciel, montrant ainsi le désir de Dieu de nous relier à lui. Et Dieu donne à Jacob une bénédiction non plus volée mais offerte. Dieu sera avec lui toujours et lui ouvre l’avenir.
Jésus reprend cette image pour parler à Nathanaël qu’il définit, contrairement à son ancêtre Jacob, comme un homme en qui il n’y a pas de fraude. Nathanaël est estomaqué, comment Jésus le connaît-il ?
Je t’ai vu sous le figuier…mais vous verrez des choses bien plus grandes encore, vous verrez les anges monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. Ce n’est plus une échelle qui fera le lien entre le ciel et la terre mais bien le Fils de l’homme, c’est-à-dire Jésus, lui le seul étant semblable à Dieu. Le songe de Jacob est interprété comme une prophétie dont l’accomplissement dépasse l’annonce.
C’est le Christ, médiateur parfait, qui maintenant va être ce passage permanent entre le ciel et la terre.
Ce que Nathanaël les disciples et nous, verrons c’est Jésus venu révéler le Père, nous faire connaître son amour tout-puissant qui va définitivement anéantir toutes les forces du mal.
C’est déjà ce qui était promis à Daniel, par le Fis de l’homme qui lui disait avoir entendu ses paroles et être venu à son secours à cause de sa plainte, c’est ce qu’exprimait aussi le psalmiste (psaume 56,9) qui disait que toutes les larmes étaient recueillies par Dieu en son outre, c’est dire que nos plaintes, nos cris parviennent à Dieu qui s’en soucie et annonce que le mal est vaincu même s’il est encore agissant sur terre et que lui Dieu lutte toujours à nos côtés contre le mal et nous offre un abri.

Pour exprimer l’action de Dieu, les anges auront mission de nous rejoindre, d’aller et venir pour nous redire que nous ne sommes pas seuls, mais que le ciel de Dieu nous rejoint sur notre terre. A Jacob le Seigneur s’adresse pour lui dire qu’il ne l’abandonnera jamais mais qu’il le bénira toujours.
A nous aussi, parfois, des anges sont envoyés pour nous porter ces paroles, pour nous redire le ciel ouvert au-dessus de nos têtes, au-dedans de nos cœurs.
Quelles en sont nos expériences ? Certains ont fait l’expérience de songes ou de visions d’anges bien proches pour les soutenir. Pour moi deux expériences indirectes ont été précieuses sur mon chemin.
La 1ere c’était quand j’avais 20 ans, pendant l’opération à cœur ouvert de mon père, nous étions réunis avec le pasteur de notre paroisse pour prier, soudain ma maman nous a fait part de sa vision d’un ange, présent en salle d’opération et lui disant que tout se passait bien, ce qui nous a tous rassurés ensemble.
La 2e c’était quelques jours avant une opération pour notre petite fille Amélie qui un matin nous a annoncé, toute confiante, qu’elle avait rêvé que dans la salle d’opération c’étaient des anges qui disaient au médecin ce qu’il devait faire. Cela m’a donné bien du courage pour accompagner cet enfant jusqu’en salle d’opération.

Alors quelles sont nos expériences qui nous ont permis ou nous permettent de voir le ciel ouvert ?
Il y a aussi toutes nos expériences des anges non pas seulement célestes mais humains. Qui d’entre nous n’a pas entendu qqn lui dire : tu es un ange pour moi, parce que justement nous nous étions laissé inspirer et envoyer par Dieu, souvent à notre propre insu.
C’est ainsi je crois que ce jour de fête des anges est aussi un peu notre fête à nous.
Et c’est peut-être aussi un appel que Dieu nous adresse en nous invitant à être des anges les uns pour les autres, porteurs d’espérance. La mission n’est pas négligeable, puisqu’il revient aussi aux anges d’annoncer que le mal a été définitivement vaincu. Ici-bas, nous sommes encore confrontés aux assauts du mal, mais le Seigneur veille et lutte à nos côtés, se tenant tellement proche de nous par la présence de l’Esprit Saint qui, Lui, vient demeurer en nous.
Savoir que le ciel est ouvert c’est aussi savoir que la vie du Christ nous a ouvert le chemin de la mort à la Vie.
C’est cela que chantent les anges que nous rejoindrons tout à l’heure quand avec eux nous chanterons : Saint est le Seigneur.
Réjouis et fortifiés alors par les forces du repas du Seigneur, nous nous remettrons en route pour porter autour de nous les paroles de Celui qui nous bénit et bénit l’humanité entière. Amen. 

Homélie du pasteur René Perret, le 12 septembre 2024

Homélie du pasteur René Perret, le 12 septembre 2024

 

Célébration à Granchamp, jeudi 12 septembre 2024 – René Perret

Textes bibliques : 2 Corinthiens 6,1-10 ; Luc 4.31-37

« La parole de Jésus était pleine d’autorité. »

J’aime recourir à une image pour mieux comprendre cette richesse de l’Evangile pour nous.

Ici, je pense que si Dieu est amour, Dieu est donc un aimant. Un Dieu aimant qui nous attire à lui.
Selon la belle image racontée par le pasteur Glardon dans son livre « Chercher Dieu en tâtonnant »,
le Seigneur nous attire à lui aussi les uns par les autres, comme ces bouts de métal suspendus les uns
aux autres et reliés finalement au grand aimant.

Pouvons-nous dire que la Parole de Dieu était si forte, dès le premier jour, qu’elle a attiré à l’existence
tous les éléments de l’Univers ?
Pouvons-nous imaginer aussi que la Parole de Dieu que donne Jésus, et qu’il est lui-même, possède
le même pouvoir aimant, aimantant ? Et qu’ainsi les éléments lui obéissent et cessent d’être chaotiques (comme dans la tempête apaisée), attirés par son amour tout-puissant.

Mieux encore que les éléments naturels, il y a tous ces éléments du corps, du cœur, de l’esprit et de l’âme humaine qui ne peuvent s’empêcher d’être attirés par cette même Parole pleine d’autorité, aimante par dessus-tous.

Dans notre récit d’aujourd’hui, c’est aussi la propriété inverse de l’aimant qui fonctionne. Vous avez déjà opposé deux aimants ? – ils se repoussent.
N’en va-t-il pas de même ici ? C’est l’esprit impur qui a reconnu Celui qui parlait, et qui sent la menace
et la concurrence du Saint de Dieu. Quand Jésus vient, les forces qui aliènent l’humain ne peuvent se taire ; elles tentent de rester, mais peine perdue. Qui peut résister à cet appel de la libération, à ce goût de l’existence pleine, pardonnée, savoureuse ?

Avons-nous cette tranquille confiance dans l’amour tout-puissant de Dieu ?
Alors, bienheureux et bienheureuses sommes-nous.

Moi, j’ai encore besoin d’y être encouragé à deux niveaux :

Déjà sur le plan personnel. Ce que je sais de Dieu, ce que j’ai accepté et expérimenté de ses promesses ressemble au sommet d’un iceberg. C’est splendide, étincelant de blancheur, l’iceberg dans sa partie visible.
Mais dire qu’il y en a encore bien davantage sous l’eau !
Dire que les richesses de Dieu pour moi sont comparables à cet iceberg, pour l’essentiel encore à découvrir, à recevoir ! Le temps me manquera bien sûr, pour en faire l’expérience. Et non seulement le temps, mais le courage ou l’envie aussi, je dois me l’avouer. Car j’ai en moi plusieurs résistances à ce que l’amour de Dieu semble me proposer, plusieurs préjugés tenaces sur sa volonté à mon égard.

Je les compare à ces esprits rebelles : je ne les considère pas forcément comme impurs, puisqu’ils me sont si proches ! A l’écoute de l’Evangile, ou quand me vient un appel de la volonté de Dieu, souvent malgré moi,
ils se retournent, dérangés dans leur quiétude. Ce Dieu aimant les remet en question, puisqu’il veut être à leur place !

Parfois, je me sens comme la synagogue de Capharnaüm : avec la parole de Jésus qui y résonne, annonçant le pardon et la justice : et ma culpabilité, ou un autre de mes travers qui se démène, ébranlé par cette autorité de vie et de paix.
Quand j’accepte la rencontre et l’affrontement inévitables, je peux aussi vivre un dénouement de guérison.

Combien de fois le Seigneur me donnera-t-il de vivre ces moments de choc entre ma volonté et la sienne,
ces épreuves de force, ces temps inconfortables qui sont comme autant de nouveaux passages vers la vie en vérité ?
Ce Dieu-aimant, dont la toute puissance dérange tout désordre connu ou bien secret, j’ai besoin de croire en lui aussi sur le plan communautaire, au plan de la vie de nos Eglises, et du monde.

Combien de fois, dans le passé et aujourd’hui encore, connaissons-nous la tentation de nous murer dans nos dogmes, dans nos pratiques, dans nos traditions comme si nous pouvions maîtriser la Parole de Dieu ou la réduire à notre explication. Combien de nos divisions, de nos querelles ne sont-elles pas faites de ces éléments chaotiques, de ces esprits rebelles que sont l’orgueil, la jalousie, la volonté de pouvoir ?
Que vienne alors et revienne la Parole de Jésus aimant sur nos Eglises, pour nous déranger dans nos tranquilles assurances d’avoir raison plus que les autres, d’être plus près de la vérité, et depuis plus longtemps que d’autres !
L’œcuménisme, ce n’est pas une affaire de dignitaires et de conférence, c’est la libération et la guérison
de nous tous, les membres du même Corps du Christ.

Chacune et chacun, ensemble, nous avons tant besoin de cette autorité du Dieu aimant sur notre vie.
Amen.

Homélie du pasteur Dominique Geunin, le 5 septembre 2024

Homélie du pasteur Dominique Geunin, le 5 septembre 2024

Homélie sur Mc 13,14-23 et 2 Cor 3,1-11,
à Grandchamp, Dominique Guenin, de Morat

Alléluja ? – Vous auriez dû chanter Kyrie eleison –
Alleluja …
Chères sœurs, chers frères en Christ,
nous sommes tentés, ces temps, aux nouvelles
terrifiants du monde, de penser : eh bien voilà,c’est
l’Abominable Dévasteur installé là où il ne faut
pas comme disait Jésus: Vous donc, prenez garde,
je vous ai prévenus de tout.

Il y en a même qui sont prêts à accentuer les choses
plus précisément que l’Evangile. « Tout ce qui est ecrit,
eh bien voilà, vous n’avez qu’à voir les nouvelles a la
télé ou les entendre à la radio. Puis-je m’ empêcher de
penser à tout cela ? J’en ai froid dans le dos de lire que
ceux qui sont (non pas seront, mais sont !) en
Judée, qu’ils fuient dans les montagnes – ils n’y
sont pas à l’abri, on le voit, et celui qui est (non pas
sera, mais est) sur la terrasse,
qu’il ne descende pas, qu’il n’entre pas dans sa
maison pour emporter quelque chose ; quoi donc,
si tout est dévasté ? Celui qui sera au champ, qu’il
ne retourne pas en arrière pour prendre son
manteau ! Il y en a qui fuient, si fuite est possible,
pourvu qu’ils sauvent leur vie. Malheureux celles qui
sont enceintes et celles qui allaitent en ces jours-
là. Je le cite en présent parce que c’est présent. Priez
pour que cela n’arrive pas en hiver, mais l’hiver va
revenir à coup sûr et que faire, s’il n’y a plus de
moyens pour se réchauffer – c’est une stratégie ! J’en
ai les larmes au cœur d’entendre ça.

Tentation réelle de croire pouvoir identifier
l’Abominable Dévasteur installé là où il ne faut
pas – si clair que ça pourrait sembler, les noms
peuvent changer et il y en a plusieurs ! Vous ne
voudrez pas que je vous fasse une liste, la liste
mondiale d Abominable Dévasteurs installés là où il
ne faut pas – moi en tout cas, je suis tenté de trouver
des noms ! Mais attention. Attention à ne pas chauffer
le marmite, attention à ne pas accentuer le mal.

Il ne faut pas cacher le mal, mais il ne faut pas non
plus lui donner une partie décisive pour la venue du
Christ, il ne faut pas rendre salutaire le mal,
l’Abominable Dévasteur, comme s’il était nécessaire
pour l’arrivée d’un nouvel monde.

C’est malheureusement se qui se passe de nos jours
aux quatre coins du monde. On le voit en Amérique, en
Israël, au proche et au moyen Orient en Russie, même
chez nous en Europe …

De rendre salutaire le mal, l’Abominable Dévasteur,
comme s’il était nécessaire pour l’arrivée d’un nouvel

monde n’est décidément pas la vocation de qui croit en
Dieu, qu’il ou elle soit Juif, Chrétien ou Islamique.

Il est essentiel pour la vie spirituelle de bien
comprendre bien Celui qui dit : Vous donc, prenez
garde, je vous ai prévenus de tout. Comment donc
prendrons-nous garde ?

Il nous faut discerner qui parle. Est-ce la Parole du
Sauveur où est-ce la parole d’un pseudo-méssie
où même celle de l’Abominable Dévasteur ?
Et moi ? De qui suis-je la – ou le porte-parole ?
Nous ne sommes pas les porte-parole de la haine,
du mépris, de la peur …

Puisse grandir la clarté de l’Apôtre du Christ qui nous
parle, je le veux, aussi à nous (2 Cor 3,3-4) :
De toute évidence, vous êtes une lettre du Christ
confié à notre ministère, écrite non avec de

l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant (…) sur
vos cœurs. – Toujours alors discerner : Est-ce dit ou
écrit avec l’Esprit du Dieu vivant ? C’est un critère
salutaire ! Telle est l’assurance que nous avons
grâce au Christ devant Dieu.

Nous ne sommes pas les premiers au monde de voir
des atrocités insupportables. Les premiers Chrétiens
nous sont en devant. Suivons-les ! Nous ne sommes ni
les preniers ni les derniers. D’autant plus nous devons
nous assurer en Christ de l’Esprit du Dieu vivant. Car
tel est notre vocation dans- et envers un monde en
pleurs. C’est de LUI, du Dieu vivant, que nous sommes
les témoins et ambassadeurs, les porte-paroles de la
bonne Nouvelle, de la lumière.
Vous avez bien raison de chanter alléluja : DIEU soit
Loué !
Amen.

Homélie par le pasteur Laurence Mottier, le 8 septembre 2024

Homélie par le pasteur Laurence Mottier, le 8 septembre 2024

 

Prédication Marc 7, 31-37
8 septembre 2024 Grandchamp

« Les personnes présentes étaient dans le plus grand étonnement », nous dit l’Evangile de Marc à la fin de ce récit de guérison au chapitre7.
Et vous, êtes-vous étonné.es ?
Surpris, frappés ou troublés ?
Ou bien ce texte vous est-il passé dessus comme une ritournelle habituelle, comme qqch de trop connu, trop entendu, rabâché et remâché dont il ne peut rien sortir de nouveau ni d’inattendu.

Y’a t’il place dans notre foi pour la curiosité, pour un regard neuf, une oreille non-préparée, une écoute vierge, une présence attentive, sans a-priori ni prêt-à-penser ?

Ai-je un espace en moi pour ce qui est non prévu et qui va m’étonner?

Ephphata, dit le texte….suis-je concernée par cette parole du Christ « Ephphata ouvre-toi- sois ouvert-ouverte » ? ou bien cela ne concerne-t-il que cet homme mal en point, qui n’arrive pas à articuler de paroles intelligibles, cet homme du passé ?
Ephphata sois ouverte, sois accueillante à ma parole…eu hé- bien non merci Seigneur j’ai pas trop envie de m’ouvrir là ! je suis bien dans ma vie, dans ma routine je me suis adaptée à ce qui est ; tout est en ordre et en place : toi, moi les autres, le monde et les choses comme elles vont. Je passe mon tour !

Etonnement ouverture : comment les laisser résonner ?
Qu’y a t’il à entendre dans ce texte de l’Evangile ?

Je vous partage un premier étonnement : après vérification, le lectionnaire de l’année b donnant lecture à l’Evangile de Marc saute à pied joint sur le récit précédant, à savoir le récit de la femme syrophénicienne qui vient hurler sa détresse à Jésus pour sa fille malade à telle force qu’elle arrache sa guérison à Jésus. Est-ce que ce récit reste trop décapant mettant à nu un Jésus ethnocentré et non-compassionnel, d’abord sourd aux cris et obtus, enclos dans sa propre tradition ? En effet, nos théologies supra naturalistes ont eu une fâcheuse tendance à diviniser Jésus, à lui ôter ses doutes, ses larmes, ses hésitations et ses agacements pour le faire flotter dans une identité christique toute puissante et intouchable. Tant il paraît anormal à nos yeux de conjuguer Fils de Dieu et fils de Nazareth, l’humain et le divin en Jésus-Christ, le divin avec l’humain et inversement, sans en lâcher aucun des deux.
Pourtant selon moi on perd une grande partie de la dynamique de ce chapitre 7, en sautant le récit de la syrophénicienne.

L’enjeu du chapitre 7 tourne autour du pur et de l’impur et nous pose la question suivante : qu’est-ce qui est véritablement souillure ? Qu’est ce qui entache l’humain ? et l’enjeu est posé par le reproche fait aux disciples de Jésus par les religieux de ne pas se laver les mains avant de manger. Et de tremper des doigts impurs dans le plat de nourriture. De ce pas, Jésus part dans une zone étrangère (Tyr et Sidon puis la Décapole) donc des régions impures, mélangées : il passe résolument la frontière – il met les pieds dans le plat – et accepte de se confronter à ce qui est étranger à sa propre religion. Ce faisant, il va opérer des retournements d’une totale radicalité et même plus il va être retourné lui-même.

Et c’est là qu’il est signifiant – et pour ma part, je dirais indispensable – de mettre en écho ces deux récits de guérison : qui concernent la syrophénicienne et l’homme sans parole.
Je vous partagerai ces échos en 4 points.

Le premier point, c’est que tout oppose l’homme et la femme : l’homme est passif, il subit ce qui lui arrive il n’a aucune voix au chapitre et il est sans parole distincte ni singulière. Il est aliéné à lui-même ; il n’est pas sujet mais l’objet de la foule, ce « on » impersonnel : on lui amène cet homme pour que Jésus fasse qqch, alors que la femme, elle, agit de son propre chef, elle crie, elle vitupère et intervient sans gêne et malgré les insultes et les rebuffades, insiste et supplie pour sa fille, à tel point qu’elle parvient à faire changer d’avis Jésus et à obtenir la guérison de sa fille.

Le deuxième point est aussi une nuance de taille, entre parole et corps : C’est sur la seule parole de la mère que sa fille est guérie, le dialogue, qui est très rude entre Jésus et la femme, joue sur les mots et les images et la femme entre dans la métaphore de Jésus comme enfermé dans sa judéité « il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens »… »pour lui proposer une nouvelle issue «  Mais les chiens sous la table mangent les miettes des enfants ». Le jeu de la langue échangée entre eux deux délie le pouvoir du malin, tenant la fille de la syrophénicienne dans ses griffes. Quant à l’homme, sans paroles et sans mots, il est touché dans son corps, dans sa matérialité corporelle blessée – langue nouée et oreilles obturées – et c’est le Christ en personne qui le touche au plus intime, avec sa salive mise sur sa langue – il crache nous dit le texte, ce que certaines versions ont poliment évité de traduction) et avec ses doigts mis dans ses oreilles. C’est un corps à corps qui s’engage entre eux ; face-à-face vies-à-vies incarné, dans la chair, dans la sueur et la salive.

Le troisième point est un contraste saisissant, mais qui, au fond, dit la même chose : le passage de frontières et la délivrance.
On dit à la femme étrangère : « Ferme-la ! »
Jésus dit à l’homme « Ouvre-toi »
A la femme qui dérange, on dit : Tais-toi. Boucle-là. Parole patriarcale qui cherche à enfermer hier comme aujourd’hui les femmes dans le silence, la bienséance et l’injustice. Des prisons de mort et de terreur. Les cris de la femme hors d’elle disent sa colère et sa force vitale pour affirmer son droit et sa place ; et pour sauver sa fille. Jésus finalement l’a entendue, l’a reçue et a été lui-même transformé.
Il dit à l’homme : Ouvre-toi ! sors de ton aliénation mutilante ! et il le touche là où l’homme est absent à lui-même et noué dans une confusion aphasique; dépersonnalisé, anonymisé, cet homme retrouve une parole claire, une capacité de nommer et d’être entendu, reconnu, compris, une capacité de partager et de dialoguer ; il est replacé dans un désir qui lui est propre. Il sort de sa prison de mots désarticulés, d’impuissance, – une prison de souffrances – pour trouver une place d’homme désirant et relié aux autres.

N’y a t’il pas de quoi être étonné.e par ces paroles d’Evangile ? et même bouleversé.es ?

Le 4ème point porte sur la différence d’environnement. Alors que la femme fait irruption dans un groupe d’hommes juifs, qui lui barrent le chemin vers Jésus et qu’elle doit jouer des coudes et de la voix,, Jésus prend l’homme à l’écart de la foule (le texte biblique insiste sur ce point : Jésus tire l’homme hors de la foule à l’écart…) pour vivre un face-à-face avec lui. Un seul-à-seul avec lui.

A l’écart
A l’écart de l’agitation
à l’écart de ce qui me presse et m’oppresse,
J’ai envie de vivre ce face-à-face avec le Christ,
avec son regard décisif sur moi, avec sa présence douce et vigoureuse sur mes zones en souffrances ; j’ai envie de sentir son toucher et son intimité  ; lui me débouche les oreilles pour entendre en vérité et en nouveauté
lui me prête sa salive pour renouveler mes mots et me remettre en désir
Et j’entends sa parole Ephphata

Chères soeurs, chers frères.
C’est bien l’étonnement qui devrait prévaloir à l’écoute de l’Evangile
car à la question de la souillure et des mains sales avant le repas, l’Evangéliste Marc répond carrément que Jésus s’engage tout entier avec son corps et sa parole dans ce qui est sale répugnant malséant chez l’humain ; qu’il le fait hors des frontières de son propre clan pour rejoindre l’autre en son humanité ; l’humain, la personne humaine singulière et unique, voilà une grandeur cardinale qui émerge dans l’Evangile, une valeur supra clanique, supra religieuse, supra nationale, supra réglementaire, supra idéologique, qu’elle que soit l’idéologie.
Jésus brise un interdit séculaire celui de la frontière entre le pur-impur…
ah vous pensiez qu’il est mal et condamnable d’avoir les mains sales avant un repas, eh bien regardez-moi je guéris un homme étranger qui n’est pas de notre religion – impur – que je ne devrais même pas voir ni considérer – avec ma salive mes doigts et ma parole…

La souillure…ce n’est pas d’avoir les mains sales, de toucher un malade, de répondre à une femme, de se mêler au monde tel qu’il est.
La souillure c’est de se croire pur aux yeux de Dieu en rejetant l’autre au nom de ce qu’on croit être la volonté de Dieu

Mésuser de Dieu est bien plus grave que de se salir les mains.

En Christ, la fracture entre pur et impur est consommée.

Et pourtant, les religions instituées se soucient encore et toujours de mettre des barrières entre pur et impur, d’ériger des frontières entre le dedans et le dehors, les sauvés et les damnés, les bons et ls méchants en catégorisant le nous et les autres, le nous et eux. Malheureusement les religions passent bcp de temps et d’énergie à séparer et à classifier, pour quoi ? pour tenter de se préserver et préserver une soi-disant pureté fantasmée et illusoire.

Jésus fait sauter ces carcans une fois pour toutes et il le fait au prix de sa vie et il le fait avec l’autorité de Fils de Dieu, non pas comme révolutionnaire, mais comme Fils du Père, au nom d’un Dieu, qui ne vient pas réinstaurer un nouvel ordre moral, mais un Dieu qui part, qui sort, qui va sur les chemins du monde ; un Dieu qui saisit à pleines mains la pâte du monde, la chair du monde…
Allons-nous le suivre ?

Libéré.es de l’obsession de la pureté que nous reste-t-il ? Hé bien les humains, l’humanité, les femmes hommes enfants jeunes ; en quête de guérison, de délivrance et de relèvement.

A l’image de la syrokphénicienne en colère, notre humanité hurle, vitupère et éructe sa détresse et sa révolte ; – dans nos maisons, familles maltraitantes, nos rues déshumanisées, sur les champs de guerre et de ruines, dans les désastres écologiques et les menaces nucléaires – Jésus vient, entre en dialogue, il écoute, il entend et répond à nos cris.

A l’image de l’homme à la langue nouée, notre humanité est sans paroles, confuse et dépersonnalisée ; elle erre perdue, désorientée, incapable de communiquer et de se faire comprendre ; au-milieu du tohu-bohu « cul par dessus tête, sens dessus dessous », Jésus vient et prend chaque personne à part Ephphata ; libérant la Parole, il redonne, à chacun.e, statut et visage humains.
Amen