Matthieu 5, 1-12

Pourquoi êtes-vous-chrétiens ?
Il se peut que vous ayez lu les évangiles.
Peut-être l’une ou l’autre parole de Jésus vous a frappé.
Des paroles qui vous montraient la vie autrement.
Ou peut-être vous avez rencontré une personne qui vivait de ces paroles.
Elle était différente des personnes que vous rencontrez d’habitude.
Plus douce, plus juste, plus disponible, plus vraie aussi.
Et cela vous a fait envie d’être comme elle.
Ou peut-être vous avez lu un ouvrage ou vu un film qui parlait d’une grande personnalité de la foi.
François d’Assise, Mère Theresa, Martin Luther King.
Vous avez découvert qu’on peut vivre pour autre chose que l’argent ou le pouvoir.
Et cela vous a fait envie de parcourir le même chemin.
Vous n’êtes pas venu à la foi par vous-même, c’est grâce à des humains qui vous ont précédé et qui ont vécu les valeurs de Jésus, de Paul et de Pierre.
Certains de ces humains sont devenus célèbres et ils vous ont impressionnés.
D’autres étaient des parents ou des amis proches.
Tous étaient nés de nouveau, nés d’autre chose que l’instinct de survie, nés d’une clairvoyance particulière qui vous a fait toucher à l’essentiel.
Une nuée de témoins, comme dit l’épître aux hébreux, ce que nous appelons la communion des saints, l’Église.

Cette façon particulière de voir qui vous a tant frappé est résumée dans les Béatitudes.

Les Béatitudes sont les premières paroles que Jésus prononce alors qu’il s’assied sur une colline pour enseigner.
Suit un long discours de la façon dont nous pouvons vivre les valeurs du Royaume de Dieu.

Si on lit attentivement on peut se rendre compte que Jésus ne parle pas à la foule.
Cet enseignement n’est pas pour tout le monde.
Jésus parle uniquement en présence de ses disciples.
La raison est simple.
Ses paroles ne sont pas faciles à avaler.
Quand il exhorte à donner l’autre joue lorsqu’on est frappé, à aimer son ennemi ou à renoncer à ses désirs s’ils nous séparent de nos frères et sœurs, il ne dit pas des choses qui vont de soi.
Dans un monde où pour survivre il faut se battre, il faut être le meilleur coûte que coûte, où il faut assurer son avenir, les paroles de Jésus sonnent étrangement.
Et pas n’importe qui peut les recevoir.
C’est pourquoi Jésus s’adresse uniquement à ses disciples.
Ils ont passé quelque temps avec lui. Ils ont appris à le connaitre et à lui faire confiance.
Ils l’ont vu vivre ses paroles et ils sentent qu’il y a une force, il y a une logique, une cohérence.
Ils sentent que Dieu est avec lui et lui font confiance.
Ils peuvent donc comprendre ce que Jésus veut dire et trouver le courage pour le vivre.

Les Béatitudes c’est un peu comme le préambule d’une constitution.
Au début du sermon sur la montagne elles posent le cadre.
Et ce cadre est la justice du royaume de Dieu.
Cette justice qu’il faut chercher avant toute chose, cette justice qui dépasse la justice des pharisiens.
Il ne s’agit pas d’être plus humain dans une logique de survie et de compétition, mais il s’agit de changer radicalement d’approche.

Ceux qui sont proclamés heureux dans les Béatitudes possèdent des qualités particulières.
Ces qualités sont parfois involontaires, données par les circonstances. On ne choisit pas toujours d’être pauvre, d’avoir faim et de pleurer.
D’autres qualités, par contre, on peut les cultiver, comme être doux, faire miséricorde, œuvrer pour la paix.
Ces qualités vont ensemble et ce sont les qualités du Royaume, ce sont les qualités de Dieu
Si les béatitudes peuvent être vécues, c’est parce qu’elles sont les qualités de Dieu.

Dieu qui est pauvre de tout ce que l’être humain désire, qui est doux, qui pleure sur l’état du monde, qui a faim et soif de justice, qui a un cœur simple et qui fait miséricorde.
C’est un dieu qui ne ressemble pas aux idoles de notre monde.
Un dieu qui ne peut pas être représenté comme Zeus ou Apollon.
Il n’a pas de muscles saillants, il meurt sur une croix.
Et pourtant il est puissant.
Plus puissant que nos idoles.
Sa puissance agit dans la douceur, dans l’amour, dans la simplicité.

Ce monde est le théâtre d’horreurs, de guerres, de crise climatique, de misère.
L’instinct de survie et de compétition ont amené le monde dans un chemin sans issue.
La force et la puissance que les humains vénèrent est en train de les tuer.

La force de Dieu par contre est une force de vie.
Une force qui agit dans les horreurs de notre monde et qui amène la vie et qui amène le Royaume.
C’est comme le brin d’herbe qui brise le goudron que les hommes ont posé.
Le brin d’herbe, pauvre, doux, assoiffé de vie est plus fort que le goudron de la mort.

Comme le brin d’herbe qui traverse le goudron à la recherche du soleil, ces béatitudes nous apportent des promesses.
Ces promesses sont au futur car elles ne sont pas encore réalisées.
Et pourtant ces promesses sont un miroir des qualités de Dieu.
Ces qualités qui ont en elles déjà la dynamique des promesses, ces qualités que nous sommes invités à vivre dans notre personne.
Aux doux sera donné la terre
Ceux qui ont faim et soif de justice seront exaucés
Ceux qui font miséricorde recevront miséricorde.
Il y a juste une promesse qui est au présent.
Elle est présente deux fois, au début et à la fin des Béatitudes.
C’est la promesse du royaume
Cette promesse est au présent.
Heureux les pauvres car le royaume de Dieu est à eux
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume de Dieu est à eux.
C’est déjà une réalité.
Dieu agit par ces qualités
Et quand nous les incarnons, le royaume de Dieu prend place sur la terre.

Mais ce n’est pas facile.
A cause de notre instinct de survie et de notre besoin de nous battre pour vivre.
Car renoncer à l’instinct de survie, renoncer à se battre c’est angoissant.
Qu’est-ce qui va devenir de nous.
Même en tant que disciples nous avons peur de nous exposer de telle sorte.
La miséricorde ok, mais jusqu’à un certain point.
La justice ok, mais parfois il faut faire des compromis.
Il faut être raisonnable.

Je pense que le secret réside dans la première béatitude.
D’ailleurs c’est celle qui nous frappe le plus et qui nous dérange.
Heureux les pauvres en esprit.
En esprit.
C’est là que nous nous réfugions, que nous disons « ouf, ce n’est pas matériellement mais en esprit qu’il faut être pauvre. »
Mais en fait « en esprit » est plus radical.
Il ne s’agit pas d’être pauvre seulement matériellement, mais embrasser la pauvreté, l’accueillir dans la vie comme le signe du royaume.
Quand nous sommes dépouillés de tout, quand nous sommes prêts à renoncer à tout alors plus rien ne nous fera peur.
Nous n’aurons plus peur de perdre quelque chose car nous aurons déjà tout donné.

Dieu peut venir habiter dans nos vies et faire avancer son royaume.

C’est ce qu’a vécu St-François d’Assise,
c’est ce que nous vivons un peu aussi nous et des personnes que nous avons côtoyées et qui nous ont marqués.
C’est ce qu’apportent les saints de Dieu sur cette terre.
Une autre façon d’être, une façon d’être qui parait faible, mais qui en effet est forte.
La seule façon d’être qui est vraiment forte et porteuse de vie car en elle Dieu agit.
Heureux si vous pouvez vivre cela et faire partie de la communauté des saints. Amen