Inspirée par les commentaires de + M. Domergue, sj.

L’évangile de ce matin semble ne pas directement nous concerner, puisqu’il est question d’être libéré d’un esprit malin… Et pourtant, en prenant quelque peu distance, ne pourrions-nous pas tirer un parallèle pour notre vie ?
N’y a-t-il pas en nous quelque chose qui se trouble, se rétracte quand le Christ vient nous visiter ? Une sorte de peur ? Une part de nous-mêmes ne se met-elle pas en posture de défense quand nous sollicite le Dieu d’amour ? Nous sommes sans doute toutes et tous plus ou moins habités par ce genre de réaction…
 Peur d’avoir à changer, à renoncer à nos manières de nous comporter, à nos habitudes.
Et on pourrait même aller plus loin : n’y a-t-il pas en nous, sous-jacente, la volonté d’être estimé, voire admiré, l’ambition de se sentir meilleur et supérieur ? Cela peut nous conduire à minimiser ce que nous trouvons estimable chez les autres. Il nous arrive peut-être d’être rassurés et réconfortés quand ils commettent une erreur ou une faute !
Au fond, nous avons peur de ne pas être assez estimables. Tel est notre « démon » familier.
Ces propos doivent-ils vous culpabiliser ? Non, car en fin de compte, cet «esprit mauvais» n’est pas vous, moi, nous ; il n’est pas inclus dans notre création par Dieu.
 Alors, prendre conscience de la présence de cet « esprit mauvais » avec lucidité, avec un sourire, et même en haussant les épaules : le Christ, Lui, vient le chasser.
Le Christ nous amène à cesser de nous comparer pour nous mettre à aimer. Fin de nos tumultes intérieurs et de nos agitations. Fin de nos peurs. Commencement de notre vraie présence aux autres, une présence qui ne se préoccupe pas d’elle-même. Ouverture…
Et voici le paradoxe :  c’est par là que nous commençons à être vraiment nous-mêmes. Nous nous trouvons quand nous ne nous cherchons pas, quand notre regard porte tout entier sur le Christ. Et son regard à lui ne porte pas sur lui-même mais sur nous tous, pour lesquels il est venu dans le monde.
«Es-tu venu pour nous perdre ?», demande notre démon : la peur de ne pas être, est passée de nous en lui. Ne nous laissons pas contaminer par cette peur !

Jésus enseignait, nous dit l’évangile du jour, comme un homme qui a autorité. Ce mot ne signifie pas d’abord pouvoir mais liberté, capacité d’élever l’autre.
Si les scribes enseignent en se référant à l’Écriture et en citant ses commentateurs, Jésus de son côté parle en son nom propre.
Souvenons-nous des Il vous a été dit… et moi je vous dis… du discours sur la montagne selon Matthieu. Jésus ne se réfère à l’Écriture que pour montrer que c’est elle qui l’annonce et se réfère à lui.
Le voici qui parle donc en toute liberté, sans se soumettre à quoi que ce soit. Liberté proprement de Dieu, que nous ne pouvons comprendre parfaitement, nous qui sommes soumis à tant de choses…
Mais la liberté de parole n’est pas la seule forme d’autorité dont Jésus fait preuve : le voici qui commande aux esprits mauvais et ils lui obéissent.
L’expulsion du démon que Marc nous raconte n’est pas sans lien avec ce qui se produira à la Pâque, quand Jésus surmontera notre mal et notre violence, « nos démons ».
Mais la violence – présente en tant de lieux autour de nous et sur la terre – mais la violence, qui récapitule tout notre mal, devient notre idole si nous avons recours à elle pour la vaincre. Violence multipliée par elle-même qui devient infinie.
Le Christ surmontera la violence en refusant de la partager, donc en se soumettant à elle. Le maître plein d’autorité se fait alors serviteur de la miséricorde et de la paix, serviteur du Dieu tout Amour.
À la Croix, Jésus prend la place du démon que l’on expulse. Dieu l’a fait péché pour nous, écrit Paul. Par-là, Jésus occupe la place que notre mal occupait.
Notre évangile nous parle de « l’esprit mauvais ». Désormais, nous sommes habités par l’Esprit de Dieu que le Christ nous a donné et que nous continuons de recevoir. Jésus ne cesse de nous libérer de ce qui empêche la Vie, la « vivance », de ce qui empêche le véritable Amour.

Loué sois-tu, Dieu de vie. Par ton Esprit Saint, tu nous donnes une force intérieure, force de douceur pour que ta vie croisse en nous. Alors nous comprenons que le Christ est plus proche de nous que nous n’osions le croire. Prière de fr. Matthew