Lectures bibliques :
Malachie 3, 1 à 4 et 22 à 24 : appel à se repentir et nouvel envoyé
Luc 1, 67 à 80 : cantique de Zacharie
Prédication : Silence de Zacharie et parole.

Je l’attendais mon homme, moi Elisabeth et il ne venait pas.
J’avais préparé le repas et je tournais un peu en rond, comme on le fait quand on sait que ce n’est pas la peine de se mettre à un ouvrage parce qu’il faudra s’interrompre sans tarder. Et tout à coup la porte s’est ouverte, mais ce n’était pas Zacharie, c’était Simon qui avait couru pour me prévenir en me disant : Zacharie a certainement eu une vision dans le temple et il ne parle plus. Simon c’est le fils de nos voisins, sa mère était toute jeune quand elle lui a donné naissance et nous avons souvent accueilli ce petit enfant qui est devenu pour nous comme un fils.
Un fils que nous n’avons pas eu et que nous n’aurons jamais, hélas.
Simon a bien rempli ce vide de nos cœurs et depuis 12 ans, je pense qu’il ne se passe pas 2 jours sans que nous ne le voyions venir en quête d’une réponse, d’un câlin ou juste d’une présence.
Il me connait bien Simon, il a pensé que je serai inquiète alors il est venu me prévenir.
Moi je savais que c’était le tour de Zacharie d’entrer dans le sanctuaire du temple pour porter à Dieu l’offrande du peuple, c’est un honneur et Zacharie était déjà ému quand il était parti ce matin pour le service du temple-
Zacharie, mon homme, porte bien son nom : Le Seigneur se souvient. Il remplit son office de prêtre en rappelant inlassablement au peuple que le Seigneur ne nous oublie pas, qu’il se souvient de ses promesses et de son alliance de toujours à toujours.
Il le dit et le redit en préparant les sacrifices au temple sous les portiques, le Seigneur ne cessera pas de nous visiter, il l’a promis par la bouche des prophètes, il déversera sur nous sa bénédiction en abondance, c’est le prophète Malachie qui le dit, mais il voit bien Zacharie que son peuple n’en est plus si sûr; les conflits, les malheurs font taire l’espérance. L’insécurité est grande et chacun peine au quotidien, comment faire des projets quand on ne peut même plus espérer que demain sera un jour meilleur ?
La violence est à fleur de peau dans tous les clans, on n’ose même plus exposer son point de vue sans craindre des représailles.
Zacharie est rentré, il m’a longuement regardée et moi aussi vous pensez bien que je l’ai regardé. Dans son regard, il y avait un mélange de lumière, de surprise encore et de gêne aussi.
Alors il a pris ma main, on s’est mis à table et il a souri.
Zacharie et moi nous formons un vieux couple, on sait aussi se comprendre sans parole, c’est ce que j’ai pensé ce 1er soir, je n’imaginais pas que ce silence allait durer et qu’il allait nous transformer en nous façonnant tous les deux.
Bien sûr il y avait la tablette où les mots prenaient le relais, mais que sont les mots sans expression ni émotion ?
Comment comprendre ces deux mots que Zacharie venait d’écrire en glissant sa tablette sous mes yeux, juste avant de quitter la pièce, silence = punition ?
Zacharie avait reçu une parole, un signe, une visitation de l’ange du Seigneur et il n’avait pas voulu, peut-être pas pu croire en Sa parole.
Peu à peu, j’ai compris que ce silence-là, n’était pas que punition, Dieu s’en servait et ce silence est devenu un cadeau.
Parler tout de suite n’aurait pas été approprié, un peu comme quand on fait retraite et que le Seigneur parle en nos cœurs, il faut garder le temps de recevoir les mots pour comprendre et pouvoir ensuite rendre compte de ce qui est survenu.

Moi aussi je me suis tue quand j’ai perçu dans mon corps que se réalisait l’annonce tant espérée et attendue. Moi non plus je n’ai pas cru, moi qui me croyait femme de foi, inébranlable, j’ai même un peu honte de vous le dire mais au Seigneur j’ai dit que : c’était trop tard, que c’était avant qu’il fallait nous répondre…Au fond ce long silence nous fait du bien parce que Dieu seul a repris la parole faisant taire en nous nos ennemis intérieurs.
Chacun de nous a les siens, c’est sûr, moi je ne les avais pas repérés si nombreux, me tenant captive, j’avais imaginé être une femme libre, une fidèle du Seigneur et voilà que je me trouvais honteuse, craintive du jugement des autres.
Moi la femme croyante, je découvrais que l’incrédulité l’emportait sur ma foi, ce n’est pas si simple de rester ancrée en Dieu et solide dans sa foi quand survient l’inimaginable ou l’épreuve soudaine et il m’a fallu un long temps pour comprendre que foi et incrédulité, foi et doute, s’entremêleront toujours.

C’est quand Marie est arrivée que les choses ont commencé à changer.
Marie c’est ma cousine et sa venue m’a tant réjouie que longuement je l’ai serrée contre moi, alors l’enfant que je portais a tressailli de joie et cette joie s’est répandue dans mon corps et dans mon cœur, je l’ai sentie comme nulle autre joie, c’était la joie du ciel en moi, une joie tellement forte qu’elle a chassé tout ce qui en moi y faisait obstacle jusque-là. C’est la 1ere fois que mon prénom s’illustrait si bien : Mon Seigneur est plénitude.
Le regard de Zacharie devenait toujours plus lumineux, comme s’il était tout à fait normal d’être réduit au silence et je les entendais rire Marie et lui, complices comme toujours.
Marie est repartie et notre enfant est né.
Juste avant que la maison ne se remplisse de la présence joyeuse, bruyante et affectueuse des voisins et de la parenté, Zacharie a posé sa main sur le front de l’enfant et sur mon front, il a fermé les yeux et c’est comme si je l’entendais faire monter sa louange au Seigneur qui fait grâce, ce sera le nom de l’enfant.
Alors ils sont venus pour marquer l’enfant du signe de son appartenance à Dieu, ils voulaient l’appeler Zacharie comme son père, mais moi j’ai dit que son nom était Jean.
Ils ont eu de la peine à me croire, aucun de nos ancêtres ne s’appelle Jean, alors ils ont interrogé Zacharie qui l’a confirmé par écrit.
Et c’est en traçant son nom : le Seigneur fait grâce que la parole lui est revenue. Dans le silence soudain les mots de Zacharie se sont posés dans nos cœurs comme une prière : Béni soit le Seigneur …

« Béni soit le Seigneur » ce sont les 1ers mots de nos matins et les derniers de nos soirs. Ces 1ers mots de bénédiction ont retenti comme les mots de la libération, non seulement de Zacharie, mais de nous tous.
Le Seigneur nous emplit de sa bénédiction, il nous comble d’une espérance nouvelle. Il nous libère pour que nous puissions lui rendre notre culte, que nous puissions en toute liberté faire monter vers lui notre louange, je réalisais que personne jamais n’aura prise sur cette liberté que le Seigneur nous donne pour le louer et vivre de sa présence.

C’est vers ce Seigneur que Zacharie nous a de suite orientés.

« Béni soit le Seigneur qui a visité son peuple ». Souvenez-vous,
plusieurs fois au temple je vous ai dit que le Seigneur ne cesse de nous visiter, maintenant c’est par un petit enfant qu’il vient nous le dire. Alors asseyez-vous, faites silence vous aussi et vous comprendrez ce que l’Esprit viendra annoncer en vos cœurs.
Dieu ne se contente plus de poser sur nous son regard, non, maintenant il va venir nous libérer de nos ennemis et nous permettre à tous de l’adorer en esprit et en vérité.
Ce petit enfant qui vient de naître sera chargé de nous le rappeler, le Seigneur nous l’envoie pour nous ramener à lui, inlassablement, et préparer le chemin du Messie, car Il va venir et il vient Celui que nous attendons, le Sauveur et le Seigneur du monde.

Aujourd’hui, accueillons ensemble cette promesse qui se réalise déjà et nous invite à louer notre Seigneur qui vient nous libérer de la désespérance, de la peur et de l’inertie en orientant nos regards vers le Christ, astre venu d’en haut pour éclairer nos routes et dissiper nos ténèbres,
C’est lui, le Seigneur, qui sera notre lumière de toujours à toujours et qui nous mènera vers un juste chemin, sur le chemin de la paix-
Amen

Aline Lasserre , Grandchamp 24 juin 21