Lectures : Romains 15, 22-29, Luc 13, 10-21

Il me fait du bien, Paul, avec tous les projets qu’il fait malgré tout ! Bon, il n’est pas sous la menace de covid19, mais son avenir n’est pas sans nuage : d’une part, il est bien affecté dans son corps, puisqu’il a plusieurs fois demandé au Christ de l’en libérer. D’autre part, se rendre à Jérusalem n’est pas sans danger : les autorités juives ont dû entendre comment il a tourné casaque après avoir persécuté la nouvelle doctrine, comment il en est devenu un témoin intrépide, prêchant jusque dans leurs synagogues … d’où il était chassé sans ménagement après un certain temps. Malgré tout, il fait des projets concrets et bien optimistes : tout confiant, il est persuadé qu’il ira non seulement en Italie pour visiter la communauté de Rome, mais il compte se rendre en Espagne (le bout du monde d’alors) ! Une sacrée confiance et une espérance solide [que je voudrais bien avoir moi aussi, et jusqu’au bout! Et avec sa même conviction qu’il fait ses projets avec la pleine bénédiction de Christ (v.29) !]

Quel contraste avec la femme toute courbée depuis 18 ans, qui n’a pas d’horizon : elle ne pouvait pas se redresser complètement et ne voit donc que le sol, les cailloux (peut-elle être encore sensible aux fleurs?)… elle voit les pieds des gens, et ne peut croiser leur regard. Elle n’a pas d’horizon intérieur non plus, quel projet d’avenir pourrait-elle avoir encore, après 18 ans dans cet état ? – Alors que Jésus était en train d’enseigner dans une synagogue un jour de sabbat, elle était simplement là: Il y avait là une femme, comme faisant partie du décor, sans nom, pas vraiment vivante. Aucune parole, aucun geste. Et Jésus ne va lui poser aucune question alors que souvent, il cherche le contact pour créer la relation, éveiller le désir caché.

Pourtant, en la voyant, Jésus lui adressa la parole et lui dit : Femme, te voilà libérée de ton infirmité. » Il lui imposa les mains : aussitôt elle redevint droite – Et même si, à ce moment-là, il n’y a pas de dialogue, le courant a passé, au niveau le plus profond, la femme a été touchée corps et âme: son enfermement éclate, elle se redresse, son regard se pose alentour, elle voit celui qui lui a parlé et transmis de sa force en lui imposant les mains. Elle a compris: guérie, rendue à la vie, elle se mit à rendre gloire à Dieu. En cet homme, c’est Dieu qui l’a touchée.

Les 2 petites paraboles que Luc nous présente juste à la suite de ce récit nous donnent la clé du sens de ce qui vient de se passer: La femme vient d’être touchée par le Royaume de Dieu, d’y goûter, elle renaît à la vie – vie nouvelle – seul Dieu peut faire chose pareille! Déjà la pâte lève, le grain de moutarde a germé et pousse (vv.18-21). Le Royaume de Dieu est bien présent, mais caché…

Qui décèle qu’il est au milieu de nous, agissant? Jésus reste incognito. La femme, elle, s’ouvre à cette vie nouvelle inaugurée en et par Jésus! Ce n’est pas le cas du chef de la synagogue, lui qui attendait pourtant avec tout le peuple que Dieu intervienne enfin pour établir son Royaume sur leur terre spoliée par les Romains. Mais pas comme ça! Il prend toute la foule à témoin: Jésus aurait bien pu attendre un jour de plus pour soigner cette femme, le shabbat est sacré, consacré à Dieu ! Ah, quand les connaissances théologiques ou les traditions ecclésiales rendent aveuglent –et moi, combien de fois passé-je à côté d’une l’intervention de Dieu? combien de fois suis-je insensible à un signe de sa présence?

Et l’assemblée de la synagogue, a-t-elle compris de quel ordre était cette guérison et qui était celui qui avait agi? – Toute la foule se réjouissait de toutes les merveilles qu’il faisait (v.17). Se réjouissait-elle de voir des merveilles, sans penser plus loin? Pourrait-elle comprendre le sens profond de ce miracle sans l’éclairage des 2 petites paraboles?

Depuis la venue du Christ Jésus, le Royaume est présent dans la pâte humaine, dans le terreau de l’humanité. Partout dans le monde, en tout temps, il se manifeste sans jamais s’imposer comme évidence. C’est ce message qui donne à Paul des ailes pour faire des projets de voyage jusqu’au bout du monde. Et pour le transmettre, ce message pas croyable, il emploie un tout autre langage pour se faire comprendre des non-Juifs. Pour ma part, j’ai l’impression que je suis tour à tour le chef de la synagogue passant à côté, la femme vivant un moment de grâce, touchée profondément, libérée, guérie, ou encore comme la foule qui ne réalise pas toujours clairement que le Royaume déjà présent se manifeste dans tel ou tel événement concret.

Un mot encore pour vous qui commencez ce soir une retraite: Un temps de retraite n’est-il pas un cadeau qui peut me rendre plus attentive à la présence de Dieu (à sa parole chuchotée dans mon cœur)? et à la présence de son Royaume (son agir alentour ou en moi)? Tous mes temps sont dans la main de Dieu, à moi d’être bien présente dans chacun de mes temps!

AMEN.