Ezéchiel 34, 11-17
Apoc 1,4-8
Jean 18, 33-38 a

Nous célébrons aujourd’hui le Christ Roi.
Quel sens donner à cette fête dans le monde tel que nous le vivons aujourd’hui ?
Assurément, Celui que nous fêtons aujourd’hui n’a pas grands rapports avec les rois d’Angleterre où de Suède, Nous sommes loin des sourires un peu figés et du fastes, que l’on présente dans les magazines.
Je me suis demandé, par contre, pourquoi, en ce dernier dimanche de l’année liturgique, le lectionnaire proposait un texte issu du procès de Jésus, procès qui est inséré dans les récits d’arrestation et de sa passion donc plutôt un texte pour la période de Vendredi saint et de Pâques. Ce choix liturgique me semble pourtant heureux. Il est d’autant plus pertinent si on lit cette scène dans l’Évangile selon Saint Jean.
La lecture de ce dimanche permet en effet de découvrir deux aspects centraux de la royauté de Jésus Christ sa souveraineté et son incarnation.
Souveraineté et incarnation ouvre sur le royaume de Dieu offert à tous les êtres humains.
Arrêtons-nous d’abord au premier aspect : la souveraineté du Christ. Dans l’Évangile de Jean la souveraineté du Christ domine de bout en bout tout le récit
« Ma vie on ne me la prend pas je la donne j’ai le pouvoir de m’en dessaisir et j’ai le pouvoir de la reprendre.» Ce verset tiré de la grande scène du bon berger (et qui renvoie à la lecture d’Ézéchiel entendue tout à l’heure peut se livre comme un résumé de la souveraineté de Jésus Christ
Dans l’Évangile selon Saint-Jean il est présenté comme celui qui agit en donnant des signes de la gloire et de la fidélité de Dieu. Il est aussi souverain au plan de la connaissance. L’Évangéliste Jean nous présente Jésus accomplissant pleinement et librement sa mission d’Envoyé de Dieu Mais voyons comment se manifeste cette force du Christ dans le récit de ce dimanche.
Les personnages et le cadre sont connus. Christ est amené devant les autorités religieuses et politiques.
Les juifs dont il est question dans ce passage biblique doivent être compris uniquement comme étant les dirigeants du peuple juif du premier siècle. Et vous avez eu raison de donner en lecture l’intention profonde du texte « La nation et les grands prêtres » renvoient aux pharisiens et les sadducéens qui détenaient le pouvoir religieux. Ils avaient peur. En raison de cette crainte ils voulaient que Jésus soit jugé comme un agitateur. A cette époque en Palestine existait aussi un groupe violent : les zélotes Ils sont déçu car ils espéraient une victoire militaire. Peu en importe le coût humain et matériel, Le royaume devait être instauré, y compris par les armes, s’il le fallait. Or Le Messie tant attendu n’a pas chassé les Romains de leur terre de Jérusalem et d’ailleurs.
“Ma royauté n’est pas de ce monde. » – Christ refuse explicitement la violence liée au pouvoir terrestre. Il exprime bien un décalage face à toute tentative humaine d’obtenir un pouvoir absolu. Le Règne du Christ détruit les rêves de toute puissance humaine acquise par la force armée : « Si ma royauté était de ce monde, mes gardes auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux juifs. »
Pilate est quant à lui est un haut fonctionnaire de l’autorité politique romaine C’est un homme qui a beaucoup de pouvoir puisque, selon la juridiction romaine, il exerce aussi la fonction de juge et il a le pouvoir de condamner quelqu’un à mort.
Dans le passage que vous avez entendu ce matin, nous rejoignons les protagonistes à un moment précis du procès. Après avoir écouté les témoins la juridiction en vigueur devait donner la parole à l’accusé.
Et c’est dans cette parole de l’accusé qu’éclate encore une fois la maîtrise du Christ et sa préscience. Une brève comparaison avec l’Évangile selon Marc permet de souligner l’importance de cette connaissance divine mise en valeur dans le texte de ce dimanche. Dans l’Évangile de Marc Jésus est présenté dans toute la dimension de la passion du juste souffrant. Lors de son procès, Marc précise que Jésus ne dit rien lorsque Pilate lui demande de préciser qui il est : Je cite Marc : Pilate l’interrogeait de nouveau. Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu’ils portent contre toi. Mais Jésus ne répondit rien de sorte que Pilate était étonné. »
Dans L’Évangile de Jean Jésus, parle, répond, renvoie des contre-questions qui finissent par déstabiliser complètement Pilate. Au final ce dernier ne sait plus qui croire ? Il ne sait même plus ce qu’il faut considérer comme la vérité. Où est la vérité ? Qui faut-il croire ? à quelle personne peut-on faire confiance ? A quel discours faut-il se fier ?
La résidence du gouverneur devient, alors le lieu de la révélation du véritable projet de Dieu et de la signification de son règne.
Jésus ne se représente pas lui-même, il ne cherche jamais sa propre gloire. Il est un messager, un ambassadeur envoyé par Dieu. Sa mission consiste à de montrer le vrai visage de Dieu. Jésus vient inaugurer la royauté victorieuse de Dieu Elle sera vie, guérison et salut pour tous les êtres humains.
Les Romains et les autorités juives de l’époque avaient une compréhension nationale et hégémonique des pouvoirs et de la royauté que ce soit celles des chefs religieux ou celle de l’empereur romain.
Le pouvoir et la souveraineté de Jésus se conjuguent alors avec l’incarnation qui va mener Jésus à la croix en offrant un salut global à tous et toutes
La violence des hommes semble triompher mais Jésus est le vrai vainqueur, Il a la force d’affronter les puissances du mal. Il sait ce qui l’attend et sur la croix mais il sait qu’il pourra y manifester sa confiance totale en remettant à Dieu le Père. Il dit sa confiance et sa paix. Au moment le plus dramatique, juste avant de mourir, il s’écrie : « Père entre tes mains je me remets mon esprit » Jésus a aussi pleinement conscience d’avoir achevé sa mission terrestre :  Sur la croix il dira aussi. « Tout est accompli. »
Le texte de ce dimanche ouvre ainsi la lucarne de l’espérance grâce à ces deux mots clefs que sont l’incarnation de Jésus et la souveraineté du Christ.
Nous nous demandons souvent pourquoi tant de violence. Je pense pour ma part que la violence est un raccourci et une illusion.
Elle est un raccourci ; car on espère obtenir par la menace, qu’elle soit physique ou verbale. ce que l’on ne peut pas obtenir par ailleurs. La violence espère gagner tout et tout de suite par tous les moyens. Mais en réalité elle une illusion, car l’esprit des humains et la vraie liberté se rebifferont, tout ou tard, contre la mainmise et les pouvoirs abusifs.
Face à la violence Jésus ouvre la voie lente de l’incarnation. Cette dernière est faite d’attente, de douceur, de patience. Elle est une force fragile mais une force quand même ! Elle autorise signes d’ouverture sur le futur et sur l’universel. L’Évangile selon Jean entre ici en résonnance profonde avec l’Apocalypse de Jean de Patmos qui écrit ceci au sept Églises. Il leur envoie cette exhortation  «  La grâce de Jésus Christ le témoin fidèle […] le prince des rois de la terre et qui fait de nous un royaume de prêtres pour Dieu son Père vous est donnée. »
La soumission à la royauté du Christ nous permet de nous délivrer de la peur, transformée en mainmise par des programmes, par des plans, Bref par nos tentatives de vouloir tout maîtriser La royauté du Christ nous permet de nous ouvrir à notre prochain ici et maintenant.
La voie lente de l’incarnation est sans doute la plus difficile mais elle à la longue la plus prometteuse. De surcroît, à long terme, elle est en fin de compte la seule réaliste. Jésus est un exemple Il nous invite entrer avec lui dans ce cheminement et confiante qui procure la paix. Cette attitude culmine dans la prière d’intercession Je ressens cette prière souvent comme un de tout grand moment de toute célébration Elle conjugue les deux aspects de la vie du Christ roi sa souveraineté et son incarnation.
L’intercession cette force de la prière où ensemble, nous pouvons nous déprendre, pour tout remettre au Christ souverain qui nous délivre du sentiment de résignation. Bonhoeffer dans son livre Sanctorum communio va jusqu’à dire qu’il ne faudrait pas dire ma prière mon intercession ni même notre prière notre intercession mais la prière du Christ la prière du Crucifié ressuscité à laquelle nous participons.
L’intercession, ce moment où ensemble, nous pouvons nous déprendre et prendre. Nous sentir aussi porteur d’amour incarné prendre sur nous oui mais, à la mesure des forces de chacune et chacun.
Se déprendre dans la confiance, prendre dans nos existences pacifiées pour faire le bien.
Amenu