Luc 21, 25 – 33

25 « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre les nations seront dans l’angoisse, épouvantées par le fracas de la mer et son agitation, 26 tandis que les hommes défailleront de frayeur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde ; car les puissances des cieux seront ébranlées. 27 Alors, ils verront le Fils de l’homme venir entouré d’une nuée dans la plénitude de la puissance et de la gloire. 28  Quand ces événements commenceront à se produire, redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance est proche. »
29 Et il leur dit une comparaison : « Voyez le figuier et tous les arbres : 30 dès qu’ils bourgeonnent vous savez de vous-mêmes, à les voir, que déjà l’été est proche. 31 De même, vous aussi, quand vous verrez cela arriver, sachez que le Règne de Dieu est proche. 32 En vérité, je vous le déclare, cette génération ne passera pas que tout n’arrive.
33 Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.

Mes chères Sœurs, mes chers Frères,
Le passage de ce soir ne peut pas être lu pour lui-même. Au risque de nous laisser comme suspendus, avec un manque d’enracinement dans l’histoire.
Le passage de ce soir ne peut pas être lu sans regarder ce qui vient avant et ce qui vient après.
Le passage de ce soir se tient en équilibre entre le monde dans lequel nous vivons et l’espérance du monde nouveau que Dieu promet. Il tend une passerelle entre le monde dans lequel nous vivons et le monde nouveau que Dieu promet.
Avant que ne se déclenchent les événements de la Passion, Jésus enseigne dans le Temple. Il y passe la journée avec la foule qui vient dès l’aurore. La nuit, il se retire sur le Mont des Oliviers.
Au terme de ces jours d’enseignement, il évoque la destruction du Temple alors que certains s’extasient sur sa beauté. Les gens lui demandent quand cela sera, à quel signe on reconnaîtra que le monde ancien bascule vers le monde nouveau. Autrement dit, quand viendra la fin des temps. Jésus ne donne ni calendrier, ni délai, ni date. Ailleurs il dit que lui-même ne connaît ni le jour ni l’heure. Seul Dieu les connaît. Mais il évoque ce moment de bascule.
Jésus parle de guerres, de tremblements de terre, de nations qui se dressent les unes contre les autres, d’épidémies, de gens persécutés pour leurs idées et pour leur foi.
Tout ce que nous connaissons dans notre histoire, dans le monde où nous vivons. Les guerres en Ukraine, en Israël et en Palestine, et ailleurs encore. Avec leurs cortèges effrayants de souffrance et de mort. Les catastrophes naturelles, tremblements de terre, sécheresses, inondations, Turquie, Maroc, Inde, Soudan. Sans oublier la pandémie qui est dans nos mémoires.
Jésus invite à ne pas se laisser égarer par ceux qui disent que ces événements marquent le commencement de la fin des temps. Non, dit Jésus, ces drames ne sont pas la fin (21,9). Ce sont des troubles et des convulsions de notre histoire. Ils appartiennent à notre monde. Je pense à mon pasteur de catéchisme à Berne, Charles Brütsch, qui a commencé de s’intéresser à l’Apocalypse au moment de la Seconde Guerre mondiale. Il était troublé par celles et ceux qui voyaient dans ces événements le début de la fin du monde et l’annonce de l’avènement prochain du Christ. Il y en avait, semble-t-il. Alors qu’il s’agissait de la folie humaine, d’une manifestation de la folie humaine. Et il a commencé d’écrire un volumineux commentaire sur l’Apocalypse et son espérance.
Je ne sais pas si l’on entend beaucoup dire de nos jours que les convulsions de notre monde sont des signes du commencement de la fin des temps. Peut-être dans de petits groupes qui se retirent du monde, persuadés que la fin est proche et qui se perdent dans des spéculations et de vains calculs. « Ne vous laissez pas égarer par ceux qui disent cela », ce n’est pas la fin. Ne vous laissez pas détourner de vos responsabilités de vivantes et de vivants.
Il poursuit en disant, et nous voilà à notre texte, que quand viendra le moment de la fin, on ne s’y trompera pas.

« Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles ». le cosmos sera ébranlé. Marc dit les choses ainsi :
24 Mais dans ces jours, après cette détresse, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, 25 les étoiles tomberont du ciel, et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées.
Jésus veut dire que ce seront des signes dont nous n’avons pas une connaissance naturelle, des signes extra-ordinaires dont nous n’avons pas idée, car ils viennent de Dieu. Quand vous les verrez, dit Jésus, redressez-vous, relevez la tête, pensez aux bourgeons du figuier qui annoncent l’été. Quand vous les verrez, le Fils de l’Homme sera proche, vous le verrez, le Règne sera proche. Ce sera le temps de la plénitude. Et il ajoute :
32 En vérité, je vous le déclare, cette génération ne passera pas que tout n’arrive.
Cette phrase est déconcertante, étrange. Si Jésus veut dire « la génération dans laquelle il vit », Luc, qui écrit une cinquantaine d’années plus tard, sait bien que l’avènement du Fils de l’Homme n’a pas eu lieu. D’autant plus que Luc écrit aussi le livre des Actes qui est le livre du développement de l’Évangile dans le monde, le livre du temps qui passe et de l’Église qui grandit, qui ne se fige pas dans l’attente, qui ne reste pas immobile. Pourtant, il conserve ces paroles, même si elles sont démenties par les faits. Pourquoi ? Certains pensent que Jésus veut dire que ce monde ne passera pas que tout n’arrive.
D’autres, dont je suis, pensent que Luc conserve cette parole pour inciter les croyantes et les croyants à ne pas oublier que la foi est une attente, une ouverture, une espérance, une persévérance, une confiance en l’avenir qui est entre les mains de Dieu, une vigilance. Ce n’est pas pour rien que ce texte vient à nous durant le temps de l’Avent.

Et Jésus ajoute cette phrase impressionnante :
33 Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Dans ce passage un peu déroutant, que nous pourrions avoir envie de laisser de côté tant ces images de la fin des temps nous semblent parfois difficiles à recevoir, dans ce passage Jésus rappelle que ses paroles demeurent solides, stables. Quoi qu’il en aille, nous pouvons nous appuyer sur elles, en faire notre référence de vie au jour le jour.
Et Jésus poursuit par une exhortation à la vigilance. C’est ce qu’il attend de nous.
Ne laissons pas nos cœurs s’engourdir dans les tendances du monde, restons éveillés dans la prière et dans l’amour. Restons ancrés dans les Paroles du Christ qui ne passent pas et qui sont la source de la vie véritable. C’est notre manière d’habiter le temps, c’est notre vocation.
Amen