Prédication Luc 12,1 à 11. Ne craignez pas, le S-E vous inspirera…
Romains 12, 16 à 21 Ne te laisse pas vaincre par le mal.

La foule est dense, très nombreuse, Luc la décrit ainsi : « des myriades de la foule qui se marchent sur les pieds ». Cette foule rassemblée attend et espère … car les temps sont rudes et inquiétants. Jésus s’adresse en priorité à ses disciples, parce que ce sont eux qui, à son image devront prendre soin de cette foule comme il le fait, Lui, maintenant en prenant soin d’eux.
A tous ceux qui sont là présents ce jour-là et à nous tous assemblés ici en cette chapelle, le Seigneur dit : Ne craignez pas ceux qui ne peuvent tuer que le corps… Qui d’autre que lui pourrait dire une telle parole ?
Assurément personne. Jésus est le seul à pouvoir le formuler ainsi parce qu’il a l’autorité pour le dire, nous enracinant en Dieu qui est le seul garant de toute vie.
Face à l’inquiétude en nous et autour de nous, souvent nous faisons appel à la confiance. A celui qui évoque sa peur, nous disons : « ne t’en fais pas, ça va aller », alors même que nous pensons que le chemin sera rude. Cela part de nos bonnes intentions mais parfois peut-être aussi de notre lassitude devant l’inquiétude perpétuelle de l’angoissé à qui nous disons, « arrête de te faire du souci, cela n’y changera rien… »
Mais le seul qui puisse nous établir en confiance solide et véritable, c’est le Seigneur. Et dans nos tentatives d’apaisement, de réconfort ou de soutien dans l’angoisse, c’est à lui que nous pourrons recourir, c’est en tous cas ainsi que Jésus l’enseigne ce jour-là.

Jésus donne à ses disciples le fondement de leur sécurité et les conditions de cette sécurité.

Dans cet écrit, Luc s’adresse à sa communauté qui se trouve confrontée à la mort. Ce sont les temps de persécutions des chrétiens, Luc se réfère au Christ qui lui-même a affronté la mort et qui par sa résurrection a manifesté que la mort n’est pas la fin de tout pour celui qui croit.
« Ne craignez pas ceux qui ne peuvent tuer que le corps, mais craignez celui qui a le pouvoir de jeter dans le néant… » ou dit autrement, ne craignez pas la mort infligée par les humains, mais craignez de vous séparer définitivement de Dieu.
Je ne sais pas comment cela résonne en vous, mais en moi c’est compliqué, parce qu’à la fois je me dis que, bien sûr, la Vie de Dieu avec un grand V est plus précieuse que tout. Pourtant dans mon quotidien, je mesure tous les efforts qui sont faits pour préserver au maximum cette vie ici-bas, parfois jusqu’à l’absurde, en nous faisant prendre toutes sortes de mesures visant à réduire les risques à un point zéro, au détriment du déploiement de la vie. De plus, moi ici, je ne suis pas menacée de mort.
Les destinataires de cet écrit le sont concrètement, Jésus, qui l’a vécu, sait que ses disciples vivront le même rejet, alors il vient, comme toujours, les équiper. A nous tous, il indique que le danger qui nous menace bien davantage que la mort que peuvent nous infliger les humains, le danger le plus grand c’est notre infidélité, c’est de le quitter Lui.
Voilà ce qui est à craindre.
Même celles et ceux qui ne reconnaîtraient pas mon ministère dit Jésus, cela ne sera pas si grave, mais ne pas reconnaître l’agir de Dieu en vous, sa présence au coeur de vos vies, voici le plus grand danger.
Si vous refusez cette présence que Dieu manifeste en vos cœurs par son Esprit, alors oui vous vous serez coupés de celui-là seul qui peut vous venir en aide. Vous resterez dans l’inquiétude de savoir que dire, que faire, parce que tout seuls vous n’avez pas les moyens de vous procurer la paix.
Jésus n’appelle pas ses disciples à une confiance aveugle, il les équipe de manière à comprendre et à vivre de cette confiance que lui-même puise à sa source.
Jésus l’assure, Dieu veille sur les moineaux, il sait combien nous avons de cheveux sur notre tête. Qu’est-ce à dire si ce n’est que Dieu tient l’entier de sa création entre ses mains et qu’il en est le Veilleur, cela seul devrait restaurer notre confiance profonde.
Jésus nous en a donné le modèle, par sa vie et sa mort sur la croix.
Il nous appartient de puiser à la bonne source et cela Jésus à nouveau nous l’indique, soyez vigilants, veillez à ce qui vous nourrit.
Ne vous nourrissez pas du levain des Pharisiens, eux qui disent et ne font pas, eux qui vous égarent en une voie hypocrite mais apprenez à discerner à la suite de qui vous marchez. Il ne suffit pas que le discours soit religieux pour qu’il soit fidèle.
Cet appel à la vigilance résonne pour moi comme l’interpellation adressée à nous tous qui témoignons de l’Evangile, sommes-nous de celles et de ceux qui mènent à la source ou qui égarent ceux qui nous sont confiés ?
Tous mettons-nous ensemble à l’écoute de l’Esprit qui était promis aux disciples pour les inspirer lors des interrogatoires qu’ils auraient à affronter.
Aujourd’hui encore, dans tous les lieux de nos incertitudes, de nos réflexions ou de nos confrontations, souvenons-nous de cette promesse de l’assistance de l’Esprit.
C’est sur nous tous que le Seigneur compte pour rester vigilants et résistants face au mal, comme le formulait Paul à la communauté de Rome, « ne te laisse pas vaincre par le mal ».
Pour moi cela évoque la résistance au mal par tous les moyens qui nous sont donnés. C’est notre vigilance politique par rapport aux partis attisant les propos de haine ; c’est notre vigilance sociale en veillant au bien de ceux qui nous entourent, particulièrement des plus faibles. C’est aussi notre vigilance spirituelle en veillant à notre ancrage dans une confiance profonde et sans cesse à cultiver.
Je terminerai par ces mots du grand théologien Karl Barth, qui à la veille de sa mort affirmait ceci :
« Oui le monde est sombre. IL ne faut surtout pas rester la tête basse ! Jamais !
Car on gouverne, pas seulement à Moscou ou à Washington ou à Pékin, mais aussi de tout en haut, du ciel. Dieu gouverne.
C’est pour cela que je n’ai pas de crainte. Restons optimistes même dans les instants les plus sombres ! Ne laissons pas sombrer l’espérance, l’espérance pour tous les êtres humains, pour le monde des peuples tout entier ! Dieu ne nous laisse pas tomber, ni un seul d’entre nous, ni nous tous dans son ensemble ! On gouverne (es wird regiert). »
Amen.

Aline Lasserre, Grandchamp 26 octobre 2023